Montréal a ouvert Griffintown aux promoteurs comme Brossard l'a fait pour le DIX30: en abordant le territoire comme un immense champ en attente de construction. Il a ainsi laissé le privé dicter ses vues, sans grand égard pour la mémoire des lieux.

C'est la conclusion à laquelle nous arrivions en février dernier, et c'est la conclusion à laquelle est arrivé l'Office de consultation publique dans un rapport déposé lundi.

«On ne peut pas travailler dans Griffintown comme sur un terrain vacant, à partir de rien, écrivent les commissaires. (...) Griffintown n'est pas une ancienne friche industrielle. C'est un quartier ancien, ce qui est bien différent.»

Le rappel à l'ordre est clair, mais il vient sur le tard. Déjà, cinq projets ont vu le jour depuis 2005, neuf sont en chantier, deux ont reçu le feu vert et six sont «en traitement d'autorisation», ce qui signifie l'ajout de 7000 unités de condos... sans aucune planification ou vision du quartier!

La faute revient à l'arrondissement, qui s'est contenté de négocier à la pièce avec chaque promoteur, et surtout à la Ville, qui a choisi de jouer au facilitateur plutôt qu'au planificateur.

Or Griffintown, berceau industriel de la métropole, mérite mieux. Loin d'être un trou qu'il importe de combler au gré des occasions d'affaires, Griffintown est plutôt un quartier patrimonial riche d'histoire, déjà loti, dont la mémoire doit absolument être préservée.

Pour l'Office, «il n'est pas trop tard, mais le temps presse, il est urgent d'agir» ...

Concrètement, cela signifie plusieurs choses.

- Une reconstruction du quartier plutôt que son remplacement, ce qui passe par une préservation du patrimoine bâti et immatériel;

- Un développement mixte qui mise sur une foule d'usages et d'usagers plutôt que l'aménagement d'une immense zone à condos qui se transformerait en cité-dortoir le jour venu;

- Une densification du quartier qui n'écrase pas l'échelle humaine qu'il a toujours su garder, ce qui nécessite un encadrement chirurgical des hauteurs permises;

- Une planification des équipements publics et communautaires afin que Griffintown ne soit pas qu'une banale extension du centre-ville sans personnalité, mais plutôt un quartier en soi avec espaces publics, garderies, centre communautaire et bibliothèque.

Bref, il faut créer un véritable milieu de vie urbain à partir des fondations du passé, non pas un champ de condos en hauteur sans âme.

Cela commande une action musclée des autorités municipales. Elles ont fait un premier pas en ce sens, en février dernier, en instituant un moratoire sur les nouveaux projets demandant des changements de zonage. Elles en ont fait un deuxième, lundi, en annonçant la création d'un bureau de projets et d'une table de concertation en vue de l'élaboration d'un plan de développement du secteur.

Reste maintenant à voir si les élus démontreront plus de leadership au sein de ces instances qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici, en espérant qu'il ne soit pas trop tard.

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