Justin Trudeau s'était fait un point d'honneur d'avoir un Conseil des ministres paritaire en 2015. La crise qui secoue aujourd'hui son gouvernement nous montre toute la portée de cette décision.

Si vous mettez assez de femmes aux commandes, vous verrez... que les femmes font de la politique autrement ? Non. Vous aurez plutôt la démonstration qu'elles sont des individus à part entière, dotées de personnalités et de valeurs propres, et que leurs décisions ne sont ni prévisibles ni réductibles à leur genre.

Si le témoignage accablant de Jody Wilson-Raybould a eu l'effet d'une bombe mercredi dernier à Ottawa, la démission de Jane Philpott a ouvert un cratère sous les pieds du gouvernement Trudeau cette semaine.

L'ex-ministre de la Justice a livré un témoignage solide qui lui a attiré des sympathies d'un bout à l'autre du pays. Mais elle avait aussi une réputation à défendre et n'avait pas caché son impatience de le faire.

La présidente du Conseil du Trésor, elle, n'avait rien à gagner de son coup d'éclat. Médecin de famille engagée, elle jouissait déjà d'une estime sans réserve au sein du Cabinet comme dans la population. C'est pourquoi sa lettre de démission, tout entière axée sur les principes, est si dommageable pour le gouvernement Trudeau. Son message est d'autant plus crédible qu'il est un modèle d'abnégation et de cohérence.

Ce n'est pas sur un coup de tête ni par frustration personnelle, et certainement pas de gaieté de coeur, que Jane Philpott dit renoncer à ses fonctions, mais en toute connaissance de cause.

Si elle a « tristement perdu confiance dans la façon dont le gouvernement a géré cette affaire », c'est seulement « après une sérieuse réflexion », en ayant considéré « les points de vue exprimés par les électeurs de [sa] circonscription et d'autres Canadiens », et en raison de la solidarité attendue des membres du Cabinet, explique-t-elle dans sa lettre publiée lundi en fin d'après-midi.

Un modèle de politique au féminin ? Il s'en est trouvé pour le dire.

« Quand vous ajoutez des femmes, ne vous attendez pas au statu quo. Attendez-vous à ce que nous prenions les bonnes décisions, à ce que nous nous tenions debout pour ce qui est juste et à ce que nous partions quand nos valeurs sont en jeu », a réagi la députée libérale Celina Caesar-Chavannes sur Twitter. La députée de Whitby avait donné le même genre de tape dans le dos à Jody Wilson-Raybould. « Quand les femmes parlent haut et fort, elles vont toujours être étiquetées », a-t-elle écrit au début de février.

De fait, voilà deux ministres en vue, grandes amies de surcroît, qui, en trois semaines à peine, démissionnent au nom de leurs principes en indiquant avoir perdu confiance en leur gouvernement.

Consistance et cohésion devant l'adversité : à l'approche de la Journée internationale des femmes du 8 mars, il peut être tentant d'utiliser Mmes Philpott et Wilson-Raybould comme exemples de la plus-value féminine en politique.

Heureusement, il y a assez de femmes au cabinet Trudeau pour nous rappeler que leur position n'est pas la seule valable.

Chrystia Freeland, Catherine McKenna, Marie-Claude Bibeau, Carolyn Bennett : chacune, dans ses mots, a réitéré sa confiance dans le gouvernement depuis deux jours. Et ce ne sont que quelques exemples. Que leur choix plaise ou non, il n'en est pas moins fidèle à leurs valeurs et à leurs convictions.

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Les convaincre de se porter candidates, leur offrir des circonscriptions prenables, les nommer ministres : oui, pour que les femmes soient suffisamment présentes en politique, il est encore nécessaire de leur faire de la place. Mais une fois qu'elles y sont, il faut les laisser faire leur boulot !

Prétendre, comme on l'entend ces jours-ci, que Justin Trudeau a trahi le féminisme en rétrogradant sa ministre de la Justice, c'est faire insulte à Mme Wilson-Raybould et à toutes les femmes du Cabinet. Qu'aurait-il dû faire d'autre ? Ménager sa ministre puisque ces dames n'ont pas la même capacité d'encaisser que leurs collègues masculins ? Décidément, on n'a vraiment pas encore vu assez de femmes en politique...

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