«Le Programme de consignation [...] se traduit donc par une plus grande quantité de verre transformé en produits à forte valeur ajoutée (bouteilles et fibre de verre) et non plus par la fabrication d'agrégats pour la construction de routes ou par l'enfouissement du verre pour cause de contamination.»

Vu du Québec, où les appels à consigner les bouteilles de vin sont toujours restés lettre morte, on dirait de la science-fiction.

Et pourtant... Ce n'est pas un monde utopique qui est décrit ici, mais la réalité de la province voisine. En Ontario, cela fait près de 11 ans que tous les contenants de boissons alcoolisées sont consignés - y compris les bouteilles de vin et spiritueux lourdes, encombrantes et cassantes. Résultat, 85 % des bouteilles de verre à remplissage unique sont recyclées en Ontario, alors que seulement 14 % du verre est acheminé à des fins de recyclage ici.* Ça force à réfléchir.

La Société des alcools du Québec (SAQ), farouchement opposée à la création d'une consigne sur ses bouteilles, a investi dans d'autres avenues. L'organisme Éco Entreprises Québec (EEQ) travaille sur des tests d'équipements pour améliorer la pureté du verre récupéré dans les centres de tri, ainsi que sur la recherche et le développement de débouchés locaux. Avec ces initiatives, le taux de recyclage serait plus près de 50 %, nous dit-on. Il faudra voir, car EEQ ne prévoit pas publier ses résultats avant la fin de février.

Et même en augmentant à 50 %, on serait encore bien loin des 85 % ontariens - sans surprise, puisque la consigne donne généralement de meilleurs taux. Le modèle ontarien n'a donc rien d'extravagant.

C'est plutôt le Québec qui, avec le Manitoba, est la seule province canadienne à ne pas avoir de consigne sur ses bouteilles de vin. Sachant que la SAQ met plus 200 millions de contenants par an sur le marché et que seuls les contenants de bière sont consignés, ça donne une idée du tas de verre !

La SAQ aime souligner que plus de 85 % des bouteilles d'alcool non consignées sont captées par la collecte sélective. Sauf que récolter n'est pas recycler. Hormis les projets pilotes d'EEQ, la majorité du verre finit comme matériau de recouvrement dans les centres d'enfouissement. Les Québécois qui se donnent la peine de mettre leurs bouteilles de vin dans le bac vert ou bleu en sont de plus en plus conscients et indignés. Pétition de plus de 34 000 noms appuyée par Québec solidaire au printemps dernier, mouvement SAQ Consigne qui incite les clients à ramener leurs «vides» en succursale : les appels à la consigne se multiplient.

Et une voix de stentor vient de s'ajouter à ce concert de récriminations : celle de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui demandera bientôt à Québec d'élargir la consigne.

Le verre étant lourd et peu recyclé, le soustraire de la collecte sélective aiderait la CMM à atteindre son objectif global de recyclage.

Et cela enlèverait une pression financière aux municipalités qui ont dû rouvrir leurs ententes avec un centre de tri frappé par la crise du recyclage. Cela fait d'ailleurs plusieurs années déjà que l'Union des municipalités du Québec (UMQ) réclame une consigne sur les bouteilles de vin et spiritueux pour réduire les coûts de la collecte sélective.

Le gouvernement Legault n'aura pas le choix. Le projet de règlement de la CMM, qui fera bientôt l'objet d'une consultation publique, atterrira sur son bureau dans quelques mois. Il aura alors 120 jours pour y répondre.

Il aura alors un choix à faire. Continuer à ménager la SAQ comme une poule aux oeufs d'or en lui évitant toute contrainte de peur de toucher à son rendement. Ou écouter les Québécois qui, à titre d'actionnaires et de clients captifs de cette société d'État, souhaitent la voir plus en phase avec les réalités environnementales d'aujourd'hui.

* Sources : CM Consulting (données de 2016) pour l'Ontario, Recyc-Québec (données de 2015) pour le Québec.

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