Lire les étiquettes à l'épicerie ne règle pas tout.

Après 10 ans de procrastination, Ottawa se décide enfin à sortir l'arsenal réglementaire pour éliminer les gras trans industriels de l'alimentation des Canadiens. Ce n'est pas trop tôt ! La ministre de la Santé Jane Philpott doit aller au bout de son idée et bannir ces substances nuisibles une fois pour toutes.

Jusqu'ici, la ministre Philpott a tenu parole. L'interdiction qu'elle avait évoquée au début octobre vient d'être confirmée par son ministère.

« Santé Canada propose de modifier le Règlement sur les aliments et drogues de façon à interdire l'utilisation des HPH [huiles partiellement hydrogénées] dans les aliments vendus au Canada », indique le document de consultation publié cette semaine.

Les huiles partiellement hydrogénées sont la principale source de gras trans industriels -  aussi appelés « gras trans artificiels ». Si leurs caractéristiques techniques (amélioration de la texture et de la durée de conservation) plaisent aux fabricants, il en va tout autrement du corps humain. Ces gras augmentent le taux de « mauvais » cholestérol (LDL) et réduisent la concentration de « bon » cholestérol (HDL) dans le sang, ce qui accroît le risque de maladie coronarienne. Leur consommation est aussi associée à un risque d'accident vasculaire cérébral plus élevé.

Ça n'aide en rien les clientèles défavorisées, qui n'ont pas le choix d'acheter les produits les moins chers, alors que c'est souvent dans ceux-là qu'on retrouve des gras trans. Et ça ne nous renseigne pas sur les aliments vendus dans les restaurants, cafés et autres cafétérias, alors que les Canadiens mangent de plus en plus à l'extérieur.

La seule façon de réduire au minimum la consommation de gras trans artificiels et ses méfaits, c'est d'interdire leur utilisation dans l'industrie.

Et comme vous pouvez le voir, ç'aurait pu, et dû, être fait depuis longtemps.

2005

Santé Canada mandate un groupe d'étude pour lui dire comment éliminer, ou réduire au minimum, les gras trans dans les aliments vendus au Canada.

2006

Le groupe d'étude recommande à Ottawa de limiter le taux de gras trans artificiels afin qu'il ne dépasse pas 5 % des gras présents dans les aliments - sauf dans les margarines molles et les huiles végétales, où le maximum serait de 2 %.

2007

Le ministre de la Santé décide que ces cibles seront plutôt volontaires et demande à l'industrie alimentaire de les atteindre en deux ans.

2008

Les gras trans devraient représenter moins de 1 % des calories consommées par la grande majorité de la population, recommande l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

2009

Le Programme de surveillance des gras trans de Santé Canada montre qu'environ 25 % des aliments préemballés analysés n'ont pas atteint les cibles volontaires.

2011

Si 95 % des aliments préemballés analysés respectent les limites, des catégories demeurent problématiques, révèle une étude. C'est le cas des « fromages » sans produits laitiers, sablés, beignets, pâtisseries à réchauffer au grille-pain et pâtes réfrigérées, ainsi que des shortenings, saindoux, glaçages et colorants à café. Les scones et biscuits de la restauration posent aussi problème.

Les enfants et adolescents, les consommateurs à faible revenu et ceux vivant en région éloignée risquent de consommer davantage de gras trans, montre une évaluation de Santé Canada.

2015

Les huiles partiellement hydrogénées ne seront plus considérées comme sécuritaires aux États-Unis à compter de 2018, annonce la Food and Drug Administration. Les fabricants devront avoir modifié leurs recettes avant cette date.

2016

Une méta-analyse de l'OMS conclut que remplacer les gras trans des huiles partiellement hydrogénées par des gras mono ou polyinsaturés aurait des effets positifs sur le « mauvais » cholestérol, sur le rapport entre « bon » cholestérol et cholestérol total, de même que sur le rapport entre « bon » et « mauvais » cholestérols.

2017

Santé Canada acceptera les commentaires sur l'interdiction proposée jusqu'au 3 janvier. D'autres consultations sont toutefois prévues en juin.

Espérons que cette énième consultation n'entamera pas la volonté de la ministre, d'autant plus que l'industrie a déjà eu l'occasion de s'exprimer.

Santé Canada a en effet informé les entreprises de son intention de resserrer ses règles dès juin dernier. Elle les a alors invitées à défendre la présence d'huiles partiellement hydrogénées dans leurs aliments. Résultat ?

Seulement sept fabricants, deux transformateurs de matières grasses, un restaurant et une association ont participé à cette consultation. Aucun n'a dit avoir besoin que les huiles partiellement hydrogénées restent accessibles. La plupart ont même indiqué qu'elles seraient éliminées de leurs produits d'ici 2018.

Si ces huiles finissent enfin par être interdites, les fabricants et restaurateurs auront encore 12 mois pour adapter leurs recettes. Compte tenu des 10 années de répit dont l'industrie a déjà bénéficié, c'est plus que suffisant.

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