N'en déplaise au chef-vedette Jamie Oliver, qui presse le Canada d'imposer une taxe sur les boissons additionnées de sucre comme vient de le faire le Royaume-Uni, nous devrions plutôt profiter de l'expérience pour alimenter notre réflexion.

Le ministre des Finances britannique George Osborne a surpris tout le monde en annonçant cette taxe dans son budget il y a trois semaines.

« Canada, retrousse-toi les manches. Il est temps que vos gouvernements s'y mettent », a lancé Jamie Oliver dans une vidéo diffusée sur sa page Facebook.

L'Australie et l'Allemagne sont aussi interpelées. L'enthousiasme de ce chef qui milite activement contre l'obésité juvénile est compréhensible. Mais au lieu de copier bêtement, les autres gouvernements devraient observer et se faire leur idée. D'autant que la mesure n'entrera pas en vigueur avant deux ans, en avril 2018. D'ici là, Londres tiendra des consultations qui pourraient changer beaucoup de choses.

Pour l'instant, le budget prévoit deux taux distincts selon la teneur en sucre ajouté.

Déjà, l'exemption accordée aux boissons contenant des édulcorants artificiels, comme l'aspartame, a été dénoncée. Le passe-droit accordé aux boissons laitières sucrées et aux « petits exploitants » risque aussi d'être critiqué.

La taxe s'appliquera aux fabricants, qui décideront s'ils la refilent aux clients. L'industrie est furieuse et n'écarte pas la possibilité d'un recours aux tribunaux européens. Un gouvernement convaincu de son bon droit ne doit évidemment pas se laisser intimider. Il ne devrait cependant pas sous-estimer la résistance des principaux intéressés. Celle-ci a eu raison de la taxe envisagée par l'État de New York, et a donné du fil à retordre à la Ville de Philadelphie, où la partie n'est pas terminée.

Cela dit, ce qui discrédite le plus ce genre de mesure, c'est la pensée magique des politiciens. « Nous comprenons qu'une taxe influence le comportement. Alors, taxons les choses que nous voulons réduire », a déclaré le ministre Osborne dans son discours du budget.

C'est un vieux rêve de santé publique :  rééditer le succès de la lutte contre le tabagisme. La vérité, c'est qu'on ne sait à peu près rien de l'impact d'une taxe d'accise sur la consommation de boissons sucrées.

L'une des seules études basées sur des observations concrètes (et non sur des simulations économiques) a été réalisée au Mexique, où ces boissons sont frappées d'une taxe spécifique depuis le 1er janvier 2014. Effectivement, les achats mensuels moyens en épicerie ont diminué, en volume, de 6 % durant l'année. L'érosion s'est accentuée au fil des mois, atteignant 12 % en décembre 2014, montre la recherche publiée récemment dans la revue médicale The BMJ.

Cette enquête d'envergure (plus de 6200 foyers dans 53 villes) laisse toutefois de nombreuses questions sans réponse. La consommation nette de sucre et de calories de ces ménages a-t-elle diminué, ou ont-ils compensé ailleurs ? Et surtout, cette taxe fera-t-elle reculer le surpoids, le diabète et les maladies cardiovasculaires ? On peut le souhaiter, mais tant que cela n'aura pas été mesuré, personne ne peut l'affirmer.

En fait, la seule chose qui soit certaine, c'est qu'une nouvelle taxe apporte de nouveaux revenus à l'État. Si c'est le but recherché, les boissons sucrées sont une cible de choix : non seulement elles ne sont pas essentielles, mais leur consommation peut devenir problématique. C'est la logique des « taxes sur le péché » (sin taxes) appliquées au jeu, à l'alcool et au tabac.

Le ministre Osborne pense récolter près de 970 millions la première année, ce qui permettra de financer des activités sportives et des petits déjeuners dans les écoles. C'est déjà beaucoup. Il devrait s'en tenir à ces faits, et arrêter de présenter la fiscalité comme une recette magique contre l'obésité. Et cela vaut pour tous les élus, y compris les nôtres, qui envisagent d'implanter une telle taxe.

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