L'imposante Banque de données des statistiques officielles sur le Québec (BDSO) sera finalement sauvée, a-t-on appris hier. Encore heureux. Les problèmes d'accès aux données gouvernementales ne sont pas réglés pour autant. Il est temps d'y voir. En limitant l'accès à ces informations brutes, le Québec se prive d'éclairages essentiels à l'amélioration des politiques publiques.

Coup de bluff ou appel à l'aide ? Confronté à une baisse de financement, l'Institut de la statistique du Québec avait annoncé son intention de laisser tomber la BDSO dès le 19 août. Cette économie annuelle d'un million de dollars aurait en fait été une grande perte.

Créée dans un souci de rendre les données gouvernementales accessibles en un seul endroit, de façon intelligible et comparable, la BDSO rassemble les données de 27 ministères et organismes. Visité environ 30 000 fois par mois par des chercheurs, des enseignants, des étudiants, des médias et des analystes gouvernementaux, le site contient près de la moitié des statistiques officielles disponibles sur le Québec. Sans ce guichet unique, il aurait fallu chercher l'information désirée auprès des différents ministères, en espérant qu'ils l'aient mise en ligne.

Le plan, heureusement, a tourné court. Il faut dire qu'avec l'engagement, pris en 2012 par la précédente administration libérale, de « devenir un gouvernement ouvert », le gouvernement Couillard n'avait pas le choix de trouver une solution. Les ministères et organismes dont la BDSO diffuse les données seront mis à contribution, a-t-on laissé entendre au bureau du ministre des Finances.

On a évité un recul, mais il reste beaucoup de chemin à faire. Le Québec est loin d'être un modèle d'ouverture. Que ce soit en matière de santé, de services sociaux, d'emploi ou de ressources naturelles, auprès de la Régie de l'assurance maladie ou d'Hydro-Québec, les chercheurs ayant besoin d'informations brutes se heurtent à de multiples obstacles. Entre les données qui ne sont pas mises à jour, celles qui sont soumises à de lourdes exigences bureaucratiques et celles qui sont carrément refusées, l'accès n'est pas optimal. La protection de la confidentialité n'excuse pas tout. Dans certains domaines, notamment en santé, les démarches sont beaucoup plus simples dans d'autres provinces, nous dit-on.

Cette sclérose ne nuit pas seulement aux chercheurs, mais à l'ensemble de la population. Des questions importantes, qui auraient grand besoin d'un éclairage factuel, restent à l'état de suppositions et d'idées reçues.

Et c'est sur ces prémisses erronées que se prennent les décisions. Comment s'étonner après cela que rien ne se règle ?

Le gouvernement québécois est pourtant bien au fait des problèmes causés par le manque de données. L'Institut de la statistique a produit un rapport accablant sur les informations que les ministères et organismes ont perdues avec le dernier recensement de Statistique Canada.

Les élus n'aiment pas qu'on leur remette sous le nez les politiques de leurs prédécesseurs, mais il n'y a pas de honte à s'approprier une bonne idée. La Politique nationale de la recherche et de l'innovation du précédent gouvernement avait annoncé la création d'un comité de sages, spécialisés en sciences sociales et en politiques publiques, pour trouver des moyens d'améliorer l'accès aux données administratives, en s'inspirant notamment d'autres juridictions. Le gouvernement Couillard devrait confier le mandat de former ce comité à l'Institut de la statistique comme cela avait été prévu. En matière d'ouverture, ce serait un pas dans la bonne direction.

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