Un vaccin expérimental contre la maladie à virus Ebola démontre une efficacité allant jusqu'à 100 %, a annoncé la revue médicale The Lancet, en fin de semaine. Chapeau à l'Agence de la santé publique du Canada qui l'a développé dans ses labos. Malheureusement, ce sont des pharmaceutiques américaines qui écriront la suite de l'histoire.

Le vaccin a été administré à plus de 3500 Guinéens ayant été en contact direct ou indirect avec une personne infectée. Aucun de ceux qui l'ont reçu immédiatement n'a été malade, et ce, 10 jours après l'injection. Dans l'autre groupe, vacciné 21 jours après avoir été en contact, seulement 16 personnes ont contracté le virus.

Il s'agit de résultats préliminaires. Beaucoup de travail sera encore nécessaire pour mettre au point un vaccin susceptible d'être approuvé par les autorités et administré à grande échelle dans des régions difficiles. Reste qu'il s'agit de l'arme la plus prometteuse dont nous disposions actuellement contre le virus d'espèce Zaïre, qui tué plus de 11 000 personnes en moins de 18 mois en Afrique de l'Ouest.

Il faut saluer la vision du Laboratoire national de microbiologie de l'agence canadienne, qui a mis au point ce vaccin au début des années 2000. Il en fallait pour investir dans cette maladie. La fièvre hémorragique, quoique redoutable, apparaissait alors de façon sporadique, toujours en Afrique, et ne faisait souvent que quelques dizaines de morts.

Bref, les perspectives de profit étaient quasi inexistantes. Les grandes pharmaceutiques ne se bousculaient pas pour trouver un vaccin. Est-ce pour cela qu'une petite biotech de l'Iowa a pu avoir la licence de commercialisation pour une bouchée de pain ? L'entreprise Bioprotection Systems l'a payée environ 205 000 $ en 2010. Sa société mère, NewLink Genetics, a ainsi pu vendre une licence exclusive au géant Merck pour 50 millions l'automne dernier. Un joli coup... joliment frustrant, vu d'ici.

Si personne n'offrait davantage en 2010, pourquoi ne pas avoir gardé les droits, et la possibilité de les vendre à meilleur prix - à Merck pour 50 millions, par exemple ?

Une telle offre aurait pu ne jamais venir, c'est vrai, mais Ottawa n'aurait pas perdu beaucoup d'argent.

L'agence n'a pas fourni d'explications. Plus qu'un chèque, elle cherchait peut-être un partenaire qui pousserait son vaccin plus loin. Ça n'a pas été l'affaire du siècle de ce côté-là non plus. NewLink est une petite société qui n'a jamais commercialisé une molécule. Au plus fort de la crise de l'Ebola l'automne dernier, plusieurs se sont demandé ce qu'elle avait fait de sa licence depuis quatre ans.

« Il n'y avait pas d'entreprise canadienne prête à prendre le risque et une petite entreprise américaine était prête à le faire. Pourquoi ? », demande Richard Gold, professeur à l'Université McGill et spécialiste de la propriété intellectuelle en sciences de la vie.

C'est le point le plus dérangeant de cette histoire. Qu'aucune entreprise d'ici n'ait les ressources pour amener ce vaccin sur le marché passe encore, mais on aurait au moins aimé qu'une biotech locale acquière la première licence, et rafle le gros lot avec Merck. D'autant que l'argent n'est pas la seule retombée positive. Cette licence a notamment permis à NewLink de décrocher deux prix d'excellence au dernier congrès mondial du vaccin.

Le succès des essais réalisés en Guinée rejaillit sur l'Agence de la santé publique. Tant mieux, mais il aurait été préférable qu'il soit partagé par une entreprise d'ici. Hélas, aucune n'a saisi l'occasion. Est-ce par manque d'intérêt ? Ou de financement ? Ou, pire, parce qu'aucune n'a eu vent de cette possibilité ?

Il serait important qu'Ottawa et le secteur biopharmaceutique fassent un bilan de cette mésaventure, et se demandent comment faire mieux à l'avenir.

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