La combinaison de Publicis et d'Omnicom crée un nouveau géant mondial de la publicité, mais elle ne fait pas de miracles pour autant. Le défi du virage numérique reste entier.

«Nous avons conçu cette fusion pour apporter les meilleures solutions à nos clients en apportant l'offre la plus complète de services analogiques et numériques», a souligné le président du conseil de Publicis Groupe dimanche.

On peut compter sur un vieux renard de la pub pour trouver la formule rassurante. Sauf que la fusion des numéros deux et trois du secteur ne constitue pas, en soi, une solution à «l'explosion des Big Data», au développement «exponentiel» des nouveaux géants de l'Internet et à «l'évolution profonde des modes de consommation» évoqués par Maurice Lévy. L'opération leur permettra, au mieux, de mettre leurs ressources en commun pour affronter la transformation de leur industrie.

Les annonces vues à l'ordinateur ou sur un appareil mobile n'attirent encore qu'une part limitée des budgets publicitaires mondiaux, mais leur progression est spectaculaire. Les formats numériques, qui s'attirent 15% plus d'investissements chaque année, accapareront le quart des dépenses médias en 2015, estime la firme eMarketer. Un territoire neuf que des entreprises comme Google et Facebook se sont empressées de défricher, devenant ainsi, en un temps record, de redoutables concurrents des grands groupes publicitaires traditionnels. Et ils ne sont pas les seuls.

Le flot de données auxquelles ont accès les entreprises a ouvert une autre brèche dans laquelle se sont engouffrés de nouveaux concurrents comme IBM, Oracle, Deloitte ou Accenture. Leurs puissants outils d'analyse aident les clients à comprendre leurs marchés et à développer leurs propres stratégies de marketing.

L'achat de pub en ligne en temps réel (mieux connu sous l'acronyme RTB, pour Real Time Bidding), qui permet de cibler le consommateur en fonction de l'objet de sa recherche, est une autre menace au rôle d'intermédiaire des agences.

Le groupe résultant de l'union de la Française Publicis et de l'Américaine Omnicom aura peut-être davantage de moyens pour financer le développement et l'acquisition de meilleurs outils. Ça n'en fera pas pour autant un chef de file de l'innovation numérique du calibre de Google ou de Facebook - lesquels, outre plusieurs longueurs d'avance, disposent de formidables banques de données sur le comportement humain.

Le nouveau poids lourd pourra éventuellement obtenir de meilleurs tarifs des médias traditionnels, mais ce gain devra être raisonnable: si les autorités de la concurrence y voient une trop grande concentration du pouvoir d'achat, elles renâcleront devant la fusion. Si elles n'y trouvent rien à redire, par contre, il faut s'attendre à ce que des groupes mondiaux comme WPP, Havas, Interpublic ou même Dentsu s'engagent dans d'autres transactions d'envergure. 

Car du côté des clients, ce sont essentiellement les grandes multinationales qui se retrouveront avec un moins grand choix de fournisseurs avec qui faire affaire. Les sociétés de moindre taille, elles, trouveront encore beaucoup d'agences prêtes à rivaliser pour leur clientèle.

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