Les médecins ont toujours joui d'un statut enviable dans notre société. La difficulté d'accéder à leurs services a considérablement accru leur position de force. Est-ce trop demander de ne pas en abuser?

Combien les Québécois sont-ils prêts à payer pour avoir un médecin de famille, ou simplement conserver celui qu'ils ont? Pour obtenir une consultation ou une opération plus rapidement? À voir les cas rapportés au cours des dernières années, assez cher.

Les services entièrement privés, où le patient assume la totalité de la facture, jouent franc-jeu. Le problème se trouve plutôt dans cette zone marécageuse entre le régime public et les arrangements privés, lorsque des cliniques ou des médecins rendent l'accès à des soins couverts par l'assurance maladie conditionnel au paiement de divers frais.

La Régie de l'assurance maladie (RAMQ) a déjà rappelé à l'ordre plusieurs cliniques qui imposaient des forfaits ou des examens pour pouvoir consulter des médecins rémunérés par le système public.

Le syndic du Collège des médecins s'en mêle à son tour. Heureusement! S'il est important que la RAMQ, en tant qu'assureur de tous les Québécois, empêche les pratiques commerciales inacceptables, il est tout aussi essentiel que le Collège intervienne sur les questions de conflits d'intérêts et autres entorses au code de la profession.

Son Conseil de discipline a publié une décision importante cette semaine. Un médecin de famille a été reconnu coupable de donner des rendez-vous beaucoup plus rapidement (quatre mois au lieu de huit) aux patients qui utilisaient le centre de prélèvement privé adjacent à sa clinique plutôt qu'un établissement public.

Au moins trois autres cas sont attendus devant le conseil de discipline, dont celui d'un omnipraticien qui aurait collaboré avec une firme imposant des examens payants aux patients désireux de le consulter, et de deux cardiologues qui auraient accepté de l'argent d'un malade.

Plusieurs patients ont d'ailleurs avoué, sous le couvert de l'anonymat, avoir versé de l'argent à des médecins du système public pour recevoir un traitement accéléré ou privilégié, rapportait récemment The Gazette. Évidemment, ils ne portent pas plainte. Quand on se donne tant de mal pour voir un médecin, on ne fait pas exprès pour se brouiller avec lui.

La difficulté de se faire soigner est responsable de cette dérive. Elle ne l'excuse pas pour autant. Il est inacceptable que des entreprises et des professionnels tirent profit de la détresse des malades, et imposent des centaines de dollars de frais pour consulter des médecins payés par l'État.

La RAMQ et le Collège doivent sanctionner ces pratiques parasitaires, sans quoi elles deviendront la norme.

Des changements majeurs doivent aussi être entrepris pour améliorer l'accès, notamment en libérant les médecins des tâches qui peuvent être accomplies par d'autres, et en offrant des conditions adéquates pour attirer le personnel nécessaire au fonctionnement des salles d'opération.

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