La fameuse taxe santé rapportera plus d'un milliard à la province cette année. Malheureusement, la façon dont Québec veut la dépenser ne donnera pas les résultats concrets auxquels la population est en droit de s'attendre.

Annoncé au printemps 2010, le Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux devait, comme son nom l'indique, servir exclusivement à financer ces établissements. Deux ans et 827 millions prélevés dans les poches des contribuables plus tard, on s'éloigne dangereusement de la proposition initiale.

Le fonds garde son nom, mais pourra aller n'importe où dans le système de santé, lit-on dans un projet de loi déposé semaine dernièere. Ce n'est pas écrit comme ça, mais presque. L'argent pourra financer «tout autre intervenant du système de santé et de services sociaux désigné» et «toute autre initiative contribuant au maintien des services de santé et de services sociaux accessibles et de qualité».

Ce n'est pas un détournement de fonds au sens crapuleux du terme, puisque l'argent reste dans le Ministère. Mais c'est, au minimum, un détournement de sens. On est loin d'un fonds spécial créé «afin de dédier exclusivement aux services de santé les sommes prélevées», comme le promettait le budget 2010-2011.

La dérive est déjà commencée. Près de 80 millions ont été alloués à des bénéficiaires non conformes à la loi, dont des agences de santé, des organismes sans but lucratif et des universités, a révélé le Vérificateur général. Ce nouveau projet de loi cautionnant presque n'importe quelle dépense de santé devrait éviter la répétition de telles contrariétés...

Le problème n'est pas qu'on ajoute des usages au Fonds. C'est qu'on n'y mette pas de limites, ouvrant la porte à l'arbitraire politique. On peut justifier bien des choses au nom du maintien des services. Le ministre Yves Bolduc affirme que ses projets Lean augmentent la productivité des hôpitaux. Admettons. Mais que de projets on pourra désormais financer à même ce Fonds! Embaucher des consultants, visiter des hôpitaux à l'étranger. Tout ça dans l'espoir d'augmenter un jour le volume de soins, bien sûr. En attendant, ça ne donne pas plus de services aux malades. On peut en dire autant de bien des usages autorisés par le projet de loi.

La taxe santé, ne l'oublions pas, est inéquitable - tous les adultes assujettis doivent désormais payer 200$ par an, peu importe leur revenu. Seul avantage: elle avait valeur de symbole. En versant, en sus de ses impôts, une somme récurrente dans un fonds dédié, le citoyen pouvait se dire qu'il contribuait à augmenter l'offre de services. Plus maintenant. Le cadre proposé vide le Fonds de tout son sens, puisqu'une partie seulement servira à répondre concrètement aux besoins des patients - en augmentant les chirurgies et les soins à domicile, par exemple. À ce compte-là, mieux vaudrait aller chercher l'argent par l'impôt sur le revenu. Au moins, ce serait équitable.

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