La première ministre Theresa May n'a pas simplement perdu son pari. Elle a été humiliée, son accord de divorce avec l'Union européenne ayant été rejeté hier par une très large majorité d'élus.

Insistons sur le résultat du scrutin, car il permet de prendre la mesure de l'échec : 432 députés ont voté contre cet accord alors que seuls 202 l'ont soutenu.

La dernière fois que le gouvernement de ce pays avait subi un tel affront et perdu un vote avec un écart presque aussi important, c'était en 1924 !

Quel gâchis!

Ne nous méprenons pas. Ce qui peut sembler être un acte de bravoure de la part de ces élus qui ont défié la première ministre est davantage un geste lâche. Ils viennent d'opter pour la fuite en avant.

On réclame, ici, un plan B qui n'existe toujours pas. Toutes sortes de scénarios potentiels sont désormais envisagés pour éviter une sortie de l'Union européenne sans accord préalable. 

C'est ce qu'on a qualifié de Brexit dur : le plus douloureux des divorces évoqués.

Une reprise des pourparlers est possible pour éviter ce résultat. Theresa May a trois jours pour faire connaître ses intentions à ce sujet. Mais d'abord, elle devra survivre à une motion de censure qui mettra à l'épreuve, aujourd'hui, sa fragile majorité.

Et si jamais la première ministre restait en poste, retournait ensuite à Bruxelles et y obtenait un nouvel accord, il est loin d'être certain qu'il serait, celui-là, accepté à Londres.

Car si les Européens ont dit être prêts à poursuivre les discussions - ils ont signalé qu'elles pouvaient techniquement continuer jusqu'aux élections européennes, à la fin du mois de mai -, il est clair qu'ils n'ont pas l'intention de faire des concessions majeures.

Pourquoi le feraient-ils? L'Union européenne doit montrer qu'il y a des conséquences à un tel divorce. Et les négociateurs à Bruxelles savent que même s'ils mettent de l'eau dans leur vin, ce ne sera probablement pas suffisant pour contenter une majorité d'élus britanniques.

Ceux-ci semblent juger tout compromis inacceptable; ils rêvent d'avoir le beurre et l'argent du beurre.

Theresa May est devant un mur. Mais il serait injuste de lui attribuer tout le blâme. C'était une bataille perdue d'avance. Elle n'avait tout simplement pas assez de cartes dans son jeu pour espérer gagner.

Les vrais coupables de ce gâchis sont ceux qui ont orchestré le référendum et ceux qui ont fait campagne - à grand renfort de mensonges et de demi-vérités - pour convaincre les Britanniques que le divorce serait un jeu d'enfant et que leur pays avait tout à gagner à quitter l'Union européenne.

Ce sont eux qui ont mené le pays au bord du précipice. Principalement les élus conservateurs et leurs alliés, parmi lesquels on dénombre entre autres l'ancien premier ministre David Cameron, son ancien stratège Steve Hilton et l'ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson.

«Il s'agit sans l'ombre d'un doute de la génération la plus cynique, opportuniste et incompétente à avoir dirigé la Grande-Bretagne des temps modernes», a estimé, il y a quelques semaines, le renommé chroniqueur britannique Edward Luce, du Financial Times.

Il aurait pu utiliser un autre adjectif : irresponsable. Il faut l'être pour ne pas envisager les conséquences de ses actes et pour casser des pots sans avoir la moindre idée de la façon dont ils pourront être réparés.

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