Le gouvernement fédéral a trop longtemps fait preuve d'une troublante insouciance face à la gestion des demandes d'asile. Ce laisser-aller semble terminé et c'est tant mieux. Mais ça ne veut pas dire que les problèmes sont réglés pour autant.

On s'est rendu compte en avril dernier qu'Ottawa avait fini par comprendre que le statu quo n'était plus une option. Lors du dépôt du budget, on a annoncé des ressources additionnelles, incluant 173 millions de dollars pour les opérations de sécurité à la frontière et le traitement des demandes d'asile.

On a par la suite - à la fin du mois d'août - nommé l'ancien chef de police torontois, Bill Blair, comme ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé.

Et la semaine dernière, on a appris que le gouvernement canadien veut accélérer le processus d'expulsion des demandeurs d'asile déboutés. Il y en aura, à partir de maintenant, environ 10 000 par année. Une hausse « allant de 25 à 35 % par rapport à ce qui prévalait ces dernières années », a-t-on rapporté.

Ce sont des initiatives qui étaient autant souhaitées que souhaitables.

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Le système était déficient depuis de nombreuses années. Stephen Harper avait lui aussi été accusé de ne pas avoir alloué les ressources nécessaires à son bon fonctionnement. Si bien que l'engorgement se faisait sentir autant en amont, pour le traitement des cas, qu'en aval, sur le plan des expulsions - il y en a eu 8742 l'an dernier contre 18 987 en 2012, selon Radio-Canada.

Précisons ici que ces expulsions sont généralement effectuées lorsque les demandeurs ont épuisé leurs recours (certains présenteront toutefois une ultime demande pour des considérations d'ordre humanitaire). On a donc jugé qu'ils ne remplissent pas les conditions qui feraient d'eux des réfugiés et qu'ils n'ont pas besoin de la protection du Canada.

La situation est déchirante, mais il est important pour Ottawa de faire passer le message que les demandeurs d'asile qui sont déboutés ne pourront pas rester sur le territoire canadien indéfiniment.

En somme, le rattrapage est en cours, mais il est loin d'être terminé. Sur le plan du traitement des demandes par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) par exemple, les délais demeurent préoccupants. Les migrants doivent actuellement attendre plus de 20 mois avant de savoir s'ils pourront s'établir au pays ou pas.

Et ceux qui oeuvrent dans ce système signalent qu'il est loin d'être clair que les sommes injectées permettront l'embauche des ressources nécessaires pour le désengorger. Aura-t-on suffisamment de commissaires à la section d'appel de la CISR ? Suffisamment d'avocats du ministère de la Justice ? Suffisamment de traducteurs, souvent nécessaires pour le traitement des cas ?

Le gouvernement du Québec a aussi un rôle à jouer. Les avocats spécialisés en droit de l'immigration ne sont plus assez nombreux. Cela fera bientôt un an que le bâtonnier du Québec a déploré « un manque criant d'argent » pour ces avocats. Il est urgent d'y remédier.

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Il serait irresponsable de miser sur le fait que le flot des migrants qui traversent la frontière en provenance des États-Unis va finir par se tarir. Tout indique qu'il pourrait même augmenter.

Donald Trump continue d'offrir aux migrants sur le sol américain de très bonnes raisons de vouloir quitter le pays. Washington a par exemple annoncé le retrait, en septembre 2019, du statut de protection temporaire qu'on avait accordé à 200 000 ressortissants salvadoriens. Plusieurs tenteront assurément de trouver refuge au Canada.

L'idée n'est surtout pas de faire peur ou de diaboliser les migrants. La situation demeure sous contrôle. Il n'y a pas de crise. Mais il est important d'insister - comme le fait fréquemment le Syndicat des Douanes et de l'Immigration - que dans ce dossier, mieux vaut être proactif que réactif. Ses représentants réclament d'ailleurs un plus grand nombre d'agents tant pour gérer l'afflux des migrants à la frontière que pour atteindre les nouveaux objectifs en matière d'expulsions.

En somme, ce qu'il faut espérer, c'est que le gouvernement fédéral n'a pas simplement décidé d'agir parce que les élections approchent. Qu'il a compris que pour venir à bout des ratés du système, il faut un savant mélange d'argent, de temps, de volonté politique et de détermination.

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