Non, vraiment, tout ce que touche Donald Trump ne se transforme pas en or. Ce qu'on constate, semaine après semaine, ce sont plutôt ses ravages. Et c'est maintenant au tour du plus haut tribunal des États-Unis d'être éclaboussé.

Le plus récent candidat du président au poste de juge à la Cour suprême s'est comporté d'une façon aussi stupéfiante qu'embarrassante. Qu'il puisse encore obtenir le privilège d'y siéger est troublant.

L'attitude de ce juge devant le Sénat américain jeudi ressemblait à s'y méprendre à celle de Donald Trump.

Ce n'était certes pas un hasard. Ce fut choquant.

Accusé d'agressions sexuelles, Brett Kavanaugh a non seulement réfuté les allégations, mais il a dénoncé les sénateurs démocrates en fulminant. Il leur a reproché d'être les auteurs d'un coup monté visant à le punir pour protester contre l'élection de Donald Trump et pour venger le couple Clinton.

Son désarroi était compréhensible. Mais son comportement fut indigne d'un juge qui est appelé à se montrer impartial. Une attitude partisane aussi flagrante aurait logiquement dû le disqualifier pour un poste au plus haut tribunal de sa nation.

À la suite de ce témoignage, pourtant, le président américain jubilait. « La stratégie destructrice des démocrates est une honte et ce processus a été une imposture totale », a écrit Donald Trump sur Twitter. Désolant...

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Entendons-nous : il est impossible de savoir, dans les circonstances actuelles, si Brett Kavanaugh a commis ou non les agressions sexuelles dont on l'accuse. Jusqu'à preuve du contraire, il est innocent.

Une des accusatrices, Christine Blasey Ford, a été invitée à témoigner devant les sénateurs. En dépit des questions posées pour miner sa crédibilité, elle semblait dire la vérité. Et les dénégations de Brett Kavanaugh, malgré certaines zones d'ombre, semblaient plausibles.

Jusqu'à hier après-midi, les sénateurs républicains refusaient de faire la lumière encore un peu plus sur l'ensemble des allégations (il y en aurait désormais cinq). D'interroger d'autres témoins, par exemple. Christine Blasey Ford allègue que Mark Judge, un ami de Brett Kavanaugh, a assisté à l'agression dont elle dit avoir été victime.

Ce n'est qu'après le vote de la commission judiciaire du Sénat américain que Jeff Flake, un des rares républicains qui osent tenir tête à Trump, a réclamé une enquête du FBI. Tant mieux si ça peut permettre de tirer tout ça au clair. Cela étant dit, le juge Kavanaugh a déjà prouvé qu'il ne mérite pas de siéger au plus haut tribunal du pays.

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C'est un secret de Polichinelle : depuis plusieurs décennies, les juges nommés à la Cour suprême par les démocrates prennent en général leurs décisions en vertu des principes et des valeurs progressistes des démocrates. Et ceux qui ont été nommés par les républicains sont incontestablement conservateurs... voire ultraconservateurs.

Cette tendance fâcheuse continue, au fil des ans, de s'accentuer. Et le processus de nomination des juges, hélas, est de plus en plus politisé.

Même que le dernier candidat de Barack Obama (en 2016) a été bloqué par les sénateurs républicains. Officiellement, ils ont prétexté que le président démocrate ne pouvait pas choisir de juge pendant la dernière année de son mandat. C'était faux. La vérité est que les républicains voulaient par-dessus tout empêcher un autre juge progressiste d'accéder au plus haut tribunal du pays.

Donald Trump a donc pu nommer un premier juge (Neil Gorsuch) à la Cour suprême peu après avoir été assermenté, pour un poste devenu vacant sous Barack Obama.

Au Canada, le processus de nomination des juges à la Cour suprême a récemment été revu dans le but de le mettre à l'abri le plus possible des pressions politiques. Aux États-Unis, c'est tout juste si on ne fait pas passer de tests de pureté idéologique aux juges de la Cour suprême !

Si bien que la Cour suprême des États-Unis ressemble de plus en plus à un instrument politique contrôlé par la Maison-Blanche. Et si Brett Kavanaugh y siège sous peu, bon nombre d'Américains auront encore plus de mal à croire en son intégrité. C'est tragique.

L'indépendance et l'intégrité du pouvoir judiciaire sont des éléments fondamentaux d'une démocratie. C'est pourquoi ni la fureur ni la partialité n'ont leur place à la Cour suprême des États-Unis.

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