Imaginez si des dizaines de parents de la région montréalaise décidaient subitement de garder leurs enfants à la maison pendant une journée complète pour protester contre le fait qu'ils apprennent les mathématiques à l'école !

On trouverait ça complètement absurde.

Tout comme on jugerait insensé un mouvement de protestation contre les cours d'éducation physique, de français ou d'anglais...

Une initiative de ce genre a pourtant été lancée par des parents à la mi-avril. Ils ont imposé à leurs enfants un congé forcé pour dénoncer l'implantation prochaine de cours d'éducation à la sexualité dans les écoles du Québec. 

N'hésitons pas à dénoncer ce geste. Résolument.

Ces cours effectueront un retour opportun dans toutes les écoles de la province à l'automne. Ils n'auraient d'ailleurs jamais dû en disparaître. Et l'offensive menée par cette minorité de parents est malavisée.

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Parmi les craintes évoquées par ceux qui dénoncent cette formation circule l'idée qu'il s'agit de cours « incitant à de multiples expériences sexuelles ». C'est un grand mensonge.

Si ces détracteurs se donnaient la peine de faire quelques recherches (mais peut-être certains s'opposent-ils aussi au cours de science ?), ils se rendraient compte que l'éducation sexuelle est, au contraire, plus susceptible de retarder l'âge de la première relation sexuelle chez les jeunes.

Et si les détracteurs examinaient la formation qui est déjà donnée dans quelque 200 écoles du Québec, ils constateraient que le ministère de l'Éducation s'est basé sur les principes directeurs de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

Une approche reconnue qui vise à permettre aux jeunes « de prendre des décisions éclairées sur leurs relations et leur sexualité et en les aidant à s'y retrouver dans un monde où les violences basées sur le genre, les inégalités entre les genres, les grossesses précoces et non désirées, le VIH et d'autres infections transmissibles sexuellement présentent des risques graves pour leur santé et leur bien-être », souligne l'organisation.

En termes clairs : l'éducation à la sexualité est offerte aux enfants pour les rendre moins vulnérables. 

On leur apprend entre autres les indices pour reconnaître une agression sexuelle (en 1re année) et la notion de consentement (en 2e secondaire). Comment un parent qui a à coeur l'intérêt de son enfant pourrait-il s'y opposer ?

Pour rassurer les parents et contrer les mythes véhiculés ces jours-ci, le ministère de l'Éducation a tout avantage à diffuser à grande échelle les détails de la formation offerte. Mais une fois ces efforts faits, Québec ne doit pas se dérober. Il est essentiel d'obliger les parents à laisser leurs enfants suivre ces cours.

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Au micro de Paul Arcand, il y a quelques jours, le ministre de l'Éducation a été ferme. Il a expliqué que les cours d'éducation sexuelle seront obligatoires et que les exceptions seront rares.

Le ministère transmettra aux écoles les critères selon lesquels il sera possible d'en être exempté. Ils seront stricts. On parle de cas de « préjudices graves » comme des situations « d'agression sexuelle », par exemple.

Il est rassurant d'entendre le ministre tenir un tel discours. Mais il est clair qu'il devra, tout comme les directions d'école, faire preuve d'aplomb.

Faut-il rappeler que de nombreux élus, dans ce dossier, n'hésitent pas à faire de la politique sur le dos des élèves. Et pas besoin de se rendre aux États-Unis pour le constater. On n'a qu'à traverser la rivière des Outaouais !

Lors de la récente course au leadership du Parti conservateur de l'Ontario, Doug Ford a promis d'éliminer les cours d'éducation sexuelle et de consulter de nouveau les parents ontariens à ce sujet. Voyons voir ce qu'il fera s'il devient premier ministre de la province le mois prochain. S'il respecte sa promesse, les opposants québécois à l'éducation à la sexualité pourraient être motivés par ce recul en Ontario.

De toutes les façons, les débats au Québec sur cette question vont se poursuivre. Permettez-nous donc d'insister et de suggérer au milieu de l'éducation de s'en tenir à un mot d'ordre fort simple : rassurer, mais ne pas céder.

DES EXEMPLES DE CE QUI SERA ENSEIGNÉ

1. PREMIÈRE ANNÉE

Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales

> Rôles et stéréotypes sexuels

> Respect des différences

Agression sexuelle

> Indices pour reconnaître une situation d'agression sexuelle

> Dévoilement à un adulte

Globalité de la sexualité

> Dimensions de la sexualité (corps, coeur, tête)

2. QUATRIÈME ANNÉE

Croissance sexuelle humaine et image corporelle

> Principaux changements de la puberté

> Sentiments à l'égard du fait de grandir

Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales

> Établissement de rapports égalitaires

Vie affective et amoureuse

> Représentations de l'amour et de l'amitié

> Attitudes et comportements dans les relations interpersonnelles

3. DEUXIÈME SECONDAIRE

Vie affective et amoureuse

> Relations amoureuses

> Défis des premières fréquentations

Violence sexuelle

> Mythes et préjugés liés aux agressions sexuelles

> Notion de consentement

Infections transmissibles sexuellement et par le sang, ainsi que grossesse

> Importance de la santé sexuelle et reproductive

> Attitude favorable à l'utilisation d'une protection

Agir sexuel

> Agir sexuel à l'adolescence

> Respect de ses choix en matière d'agir sexuel

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