Le Québec et le Canada sont des amis d’Israël.

On entretient des liens économiques et politiques étroits avec Israël depuis des décennies. Il est donc logique d’ouvrir un Bureau du Québec à Tel-Aviv en Israël, comme l’a annoncé la semaine dernière le gouvernement Legault. Il s’agira du premier Bureau du Québec au Moyen-Orient.

Le Québec fait bien d’ouvrir un bureau à Tel-Aviv, une plaque tournante importante en innovation. La question n’est pas là. Ce sont les circonstances de cette annonce maladroite qui posent des problèmes.

Le premier problème, c’est le moment choisi : une semaine après l’adoption d’une réforme très inquiétante qui affaiblira le pouvoir judiciaire en Israël. Cette réforme a provoqué des manifestations monstres depuis des mois. Israël vit l’un des plus importants mouvements de contestation intérieure de son histoire. Québec aurait difficilement pu choisir un pire moment. On aurait pu attendre quelques mois, sans annuler le projet.

Le deuxième problème, plus important, c’est le silence du gouvernement Legault sur l’inquiétante réforme israélienne.

Le gouvernement de coalition du premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui compte des ministres du parti d’extrême droite Force juive, a fait adopter fin juillet une loi permettant au parlement israélien d’infirmer des décisions de la Cour suprême d’Israël. Aussi, les juges seront désormais nommés par le gouvernement, plutôt que par un comité composé majoritairement de juges et d’avocats.

En somme, le gouvernement israélien le plus à droite en 75 ans d’histoire veut mettre au pas le plus important contre-pouvoir du pays avec cette réforme, appuyée par seulement environ 30 % des Israéliens et une très courte majorité parlementaire.

Lisez l’article « Israël : le Parlement adopte une clause de la réforme judiciaire controversée »

Avec raison, les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont tous critiqué publiquement cette réforme.

En marge de son annonce la semaine dernière, Québec a plutôt choisi… de ne pas critiquer la réforme d’Israël. Pas même du bout des lèvres.

Quand Radio-Canada et TVA lui ont parlé de la réforme israélienne, la ministre des Relations internationales Martine Biron a esquivé le sujet.

Voici ce que la ministre Martine Biron a dit à Radio-Canada : « Israël, c’est complexe. Il y a eu cinq élections en trois ans. […] C’est sûr qu’un gouvernement de coalition oblige à des compromis. […] Je m’impose une certaine réserve, de ne pas prendre position. C’est au peuple de parler, de s’exprimer, c’est au gouvernement de voir comment il interprète les actions de son peuple. En même temps, on n’est pas aveugles, on constate bien que les tensions sont énormes. Ce ne sont pas les premières tensions en Israël, ça ne nous a pas empêchés de faire des affaires. C’est sûr que le moment est plutôt chaud, on espère que les choses vont bien évoluer dans le bon sens et qu’on va pouvoir s’installer paisiblement et qu’on va pouvoir faire des affaires correctement. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre des Relations internationales, Martine Biron

Le gouvernement du Québec dit ne pas « être aveugle » dans ce dossier. C’est dommage qu’il soit muet.

De son côté, le Canada a rappelé à Israël « croire au respect de l’État de droit et de la démocratie et à la défense des institutions qui les sous-tendent ». Le Canada précise aussi « encourage[r] les efforts déployés en Israël pour parvenir à un consensus avant d’apporter des changements fondamentaux au système » judiciaire. Justin Trudeau n’a pas l’intention d’inviter Benyamin Nétanyahou au Canada.

Même si le Québec a une influence très limitée sur la scène internationale, on se désole que le gouvernement Legault n’ait pas appuyé la position commune du Canada et de la plupart des pays du G7 sur la réforme judiciaire en Israël.

Surtout que le Québec et le Canada parlent généralement d’une seule voie sur le conflit israélo-palestinien : ils appuient la solution des deux États indépendants (Israël et la création d’un État palestinien) qui coexistent dans la paix et la sécurité, dans l’esprit des accords d’Oslo en 1993.

Bien sûr, ce sont les Israéliens qui vont décider des lois dans leur pays. Mais la communauté internationale a le devoir de faire valoir son point de vue sur un enjeu aussi fondamental que la séparation des pouvoirs dans la plus importante démocratie au Moyen-Orient.

L’excuse du devoir de réserve de la ministre Biron ne tient pas. Bien sûr, Québec ne doit pas passer tout son temps à critiquer ses partenaires économiques. Mais le gouvernement Legault critique les décisions des autres pays quand il juge que c’est important, par exemple pour l’accès à l’avortement aux États-Unis.

Lisez l’article du Journal de Montréal « Droit à l’avortement bafoué aux États-Unis : Trudeau et Legault réagissent »

Le Québec et le Canada sont des amis d’Israël.

Un véritable ami ne garde pas le silence sur une question aussi fondamentale que la séparation des pouvoirs en démocratie.

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