Un triple gaspillage et un double préjudice environnemental. C’est ce qui se produit chaque fois qu’une peau de banane, un os de poulet ou une coquille d’œuf échoue dans un dépotoir.

Voilà pourquoi il est décourageant d’apprendre que les deux tiers des Montréalais qui ont accès à un bac brun le boudent.

On va se le dire, ça fait dur. C’est un échec collectif qu’il était temps de mettre en lumière, comme l’ont fait nos collègues Henri Ouellette-Vézina et Naomie Duckett Zamor samedi dernier. ⁠1

Les résidus alimentaires non récupérés produisent un gaspillage :

  • D’espace, en encombrant nos dépotoirs. Le seul de toute la Communauté métropolitaine de Montréal, celui de Lachenaie, sera plein d’ici quelques années. Les résidus alimentaires sont une grosse partie du problème, formant plus de la moitié du contenu des poubelles des Montréalais.
  • D’énergie, parce que les gaz produits par la matière organique peuvent être récupérés pour produire de l’énergie propre dont le Québec manquera bientôt. Pensons qu’Énergir va jusqu’au Texas pour s’approvisionner en gaz naturel renouvelable alors que les déchets québécois pourraient lui en fournir.
  • D’engrais. Les résidus alimentaires peuvent être transformés en précieux fertilisants pour l’agriculture.

Le double préjudice, lui, vient du fait que les restes de table envoyés au dépotoir :

  • Contaminent la nappe phréatique.
  • Génèrent des gaz à effet de serre qui alimentent la crise climatique dont les effets nous frappent particulièrement cet été.

Nous nous sentons souvent impuissants face à la pollution et aux changements climatiques. Utiliser son bac brun est un geste concret, à la portée de tous, qui fait une réelle différence sur plusieurs plans.

Certains prétendent que la Ville doit simplifier la collecte des résidus alimentaires pour ses résidants. À notre avis, elle en fait déjà beaucoup. Les Montréalais n’ont même pas à apporter leurs déchets dans des dépôts. Un camion passe devant chaque porte, chaque semaine.

Vrai, des enjeux existent pour les immeubles à plusieurs logements. L’expert Karel Ménard propose des conteneurs semi-enfouis comme on en trouve en Europe. C’est une solution intéressante qu’on tarde à explorer. Sinon, il faut simplement trouver un espace pour mettre le bac commun et quelqu’un pour le laver de temps à autre. Il n’y a rien là d’insurmontable.

Quant aux problèmes d’odeurs souvent invoqués, ils sont surtout une excuse pour justifier l’inaction. La peau de saumon ne sentira pas vraiment meilleur dans un sac de poubelle que dans un bac brun.

Comment convaincre davantage de Montréalais d’embarquer ? Dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, un projet pilote a montré des résultats intéressants (taux d’utilisation du bac brun de 55 %, contre 36 % pour un secteur témoin similaire). Le truc ? N’y collecter les ordures que toutes les deux semaines, en gardant la collecte des résidus alimentaires hebdomadaire.

La recette marche si bien qu’elle sera bientôt appliquée à l’ensemble de l’arrondissement.

Un autre axe d’intervention possible est pédagogique. Actuellement, peu de Montréalais savent ce que devient le contenu de leur bac brun. Vérification faite, celui-ci est envoyé soit chez EBI Énergie, à Saint-Thomas de Joliette, soit à Moose Creek, en Ontario, pour être composté.

Évidemment, en mettant cela de l’avant, Montréal rappellerait que ses propres usines de compostage et de biométhanisation sont frappées par les retards et les dépassements de coûts et ne sont toujours pas en fonction. Il reste que les Montréalais seraient sans doute plus enclins à composter s’ils comprenaient comment leur geste s’insère dans l’ensemble de la chaîne.

Il est en tout cas impératif d’augmenter la valorisation des résidus alimentaires. En 2023, jeter un cœur de pomme dans une poubelle devrait entraîner le même malaise que celui ressenti quand une canette d’aluminium n’est pas récupérée.

1. Lisez « Les Montréalais boudent le compostage »
En savoir plus
  • 4,49 mégatonnes
    C’est la quantité de GES générés par les déchets chaque année au Québec, soit trois fois plus que la cimenterie McInnis, le plus gros pollueur de la province.
    Source : inventaire québécois des émissions atmosphériques
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