Le premier mot qui nous vient à l’esprit à la suite de la plus récente initiative du ministère de l’Enseignement supérieur sur l’intelligence artificielle ?

Bravo !

La ministre Pascale Déry a organisé, la semaine dernière, une journée de réflexion sur l’intelligence artificielle dans le milieu de l’éducation supérieure.

Elle souhaitait « discuter des avantages et des inconvénients de cette technologie dans un contexte pédagogique ».

C’était une très bonne idée.

Les développements en matière d’intelligence artificielle sont saisissants. Nos décideurs n’ont pas le choix, ils doivent prendre le taureau par les cornes. À Québec comme à Ottawa.

Le monde de l’éducation, lui, est frappé de plein fouet par ces développements. Il fait déjà face à de sérieux bouleversements, quelques mois seulement après le déploiement, pour le grand public, du robot conversationnel ChatGPT.

Hélas, quand on entend parler de l’intelligence artificielle dans un contexte d’éducation, c’est souvent pour faire état de craintes ou rapporter que des établissements ont interdit l’utilisation d’outils comme ChatGPT par leurs étudiants.

Qu’il y ait toutes sortes d’idées qui circulent dans le monde de l’éducation au sujet de l’intelligence artificielle et qu’on en débatte est parfaitement normal.

Or, elles ne se valent pas toutes, ces idées.

La peur est mauvaise conseillère. Interdire carrément l’utilisation des outils d’intelligence artificielle en éducation est non seulement vain, c’est aussi contreproductif.

C’est vain parce que certains de ces outils sont déjà tellement accessibles et vont finir par être si incontournables dans nos vies quotidiennes qu’il y aura toujours des étudiants qui vont les utiliser.

Qu’on le veuille ou non.

C’est contreproductif parce qu’en interdisant ces outils, on se prive de ce qui peut être une véritable richesse tant pour l’enseignement que pour l’apprentissage… du moins si on parvient à bien encadrer son utilisation.

Sans compter que l’intelligence artificielle est appelée à prendre une place de choix dans le monde du travail. Dans ces circonstances, les institutions d’enseignement qui lui tournent le dos se mettent dans une position intenable à long terme.

L’intelligence artificielle devra même être intégrée à la formation de bon nombre d’étudiants, des futurs enseignants, programmeurs, professionnels de la santé et des communications, etc. C’est inéluctable.

Soyons honnêtes, il y a du chemin à faire. On n’a même pas encore de portrait clair de l’utilisation des outils d’intelligence artificielle en enseignement supérieur.

Martine Peters, professeure de sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais, a récemment fait œuvre utile en diffusant quelques données obtenues après avoir interrogé plusieurs centaines de professeurs et d’étudiants au sein de sept universités.

On sait par exemple que 51 % de ces profs ont dit prévoir « modifier » leurs évaluations « afin d’éviter le plagiat avec des outils d’intelligence artificielle ».

Ce chiffre peut être interprété de bien des façons, mais il démontre que de nombreux professeurs sont déjà conscients des risques posés par la généralisation de tels outils.

Dans la foulée de la journée de réflexion organisée par Québec, on a annoncé la formation d’un comité d’experts conjoint par le Conseil supérieur de l’éducation et la Commission de l’éthique en science et en technologie.

Ce comité aura le mandat de produire un rapport, à remettre d’ici la fin de l’année, qui portera sur les enjeux de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour l’évaluation et l’apprentissage des étudiants, mais aussi pour la formation des enseignants.

Ça aussi, c’est une riche idée.

Le changement, surtout s’il se produit à toute vitesse et qu’il n’est pas balisé, fait souvent peur. Mais les divers acteurs du milieu de l’éducation sont aux premières loges et n’ont pas le choix : ils sont condamnés à s’adapter très, très rapidement.

Nos élus semblent avoir compris qu’il aurait été irresponsable de les laisser se débrouiller seuls.

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