À partir du moment où, le mois dernier, François Legault a dit viser une immigration économique 100 % francophone d’ici 2026, son idée a été nuancée par certains de ses ministres.

Il y a d’abord eu le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui s’en est mêlé. Il « faut être réaliste et balancer ça avec les besoins » des employeurs, a-t-il dit.

Ce fut ensuite au tour de la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, de rectifier le tir. Elle a fait référence à une immigration francophone… ou issue de pays « francotropes ». On parle ici de pays qui ont des affinités avec le français.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Ces précisions démontrent qu’on a rapidement compris, à la Coalition avenir Québec (CAQ), que faire preuve de dogmatisme dans ce dossier serait une très mauvaise idée.

Sur le fond, en revanche, la volonté d’accueillir davantage d’immigrants qui maîtrisent le français doit être saluée.

L’un des objectifs de l’immigration, au Québec, est de contribuer à la pérennité du français. Et année après année, on se rend compte que le bilan, à ce chapitre, n’est pas assez satisfaisant.

Même que les récents efforts déployés pour redresser la barre en matière de francisation n’ont pas encore permis à Québec d’obtenir la note de passage.

C’est le (dur) constat qu’on est forcé de faire à la lecture du reportage de notre journaliste Suzanne Colpron à ce sujet, publié dimanche dernier.

Lisez le reportage « Francisation des immigrants : Québec loin de ses objectifs »

Pour l’année 2021-2022, seuls 43,5 % des immigrants non francophones ont participé aux services de francisation offerts par Québec.

Or, l’objectif était d’atteindre les 60 %. C’est raté. Et de loin.

On n’atteindra sûrement pas non plus l’objectif de l’année en cours, fixé à 65 %.

Bien sûr, il y a de nombreux exemples de succès tous plus remarquables les uns que les autres. Mais il reste qu’en vertu de nos attentes, francisation rime encore trop souvent avec déception.

Ce n’est pourtant pas que la CAQ n’a pas essayé.

Pendant son premier mandat, le gouvernement de François Legault a mis de l’avant plusieurs initiatives dans le but d’augmenter la participation aux cours de francisation (par-dessus tout : en élargir l’accès et bonifier l’allocation offerte).

On rapporte ainsi que le nombre global d’immigrants qui suivent des cours de français a augmenté. Mais il faut dire que le bassin de nouveaux arrivants est plus vaste qu’il ne l’était dans le passé.

Alors oui, l’effort de la CAQ doit être souligné. Oui, il faut rappeler qu’il n’est pas terminé, puisqu’on a promis de créer un guichet unique pour les services de francisation au milieu de l’année prochaine.

N’empêche que le bilan, pour l’instant, est décevant. Baisser les bras n’est toutefois pas une option.

Penser atteindre 100 % d’immigrants économiques qui parlent déjà français, on l’aura compris, c’est rêver en couleurs.

Sans compter qu’il est impossible d’exiger la maîtrise du français pour les immigrants qui font partie de la catégorie du regroupement familial et de celle des réfugiés (ils représentent environ le tiers des nouveaux arrivants annuellement au Québec).

Mais des solutions existent.

On devrait par exemple faire grimper encore davantage les allocations offertes à ceux qui suivent les cours, qui équivalent actuellement à un taux horaire de 5,85 $. Tout comme il faut plus de souplesse dans les horaires.

Et il faut absolument accroître la francisation en milieu de travail. Inexplicablement, ça ne semble pas une évidence pour Québec.

En septembre dernier, l’entreprise Peerless a même dû se battre pour conserver la subvention qui lui permettait d’offrir des cours de français à ses employés ! On nage en plein délire !

Un gouvernement ne peut pas affirmer que freiner le déclin du français est pour lui une priorité et tolérer encore longtemps de telles incohérences.

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