Le Québec est prêt à contribuer pour accueillir des réfugiés. Mais le déséquilibre qu’on observe actuellement entre ses efforts et ceux des autres provinces n’est ni normal ni sain.

Surtout que ce déséquilibre, loin de s’atténuer, se creuse. C’est à Ottawa de réagir.

On sait que le chemin Roxham s’est imposé comme LE point de passage des demandeurs d’asile qui entrent de façon irrégulière au Canada. Cette année, pas moins de 99,2 % des interceptions faites par la GRC au pays l’ont été au Québec.

Mois après mois, les migrants qui empruntent ce passage sont plus nombreux, si bien que le fédéral prévoit que 50 000 personnes l’auront franchi cette année. C’est 2,5 fois le précédent record de 18 836 personnes enregistré en 2017, alors qu’on avait dû utiliser le Stade olympique pour les héberger.

À cela s’ajoute un nouveau phénomène. Radio-Canada a révélé cette semaine que depuis quelques mois, des milliers de Mexicains arrivent dans les aéroports canadiens et déposent une demande d’asile. Ils sont 8000 à l’avoir fait cette année… dont 80 % à l’aéroport Montréal-Trudeau⁠1.

Beaucoup de ces gens viendraient à Montréal pour ensuite gagner irrégulièrement les États-Unis, selon ce que nous entendons. Mais encore une fois, le Québec accueille un nombre disproportionné de demandeurs d’asile par rapport aux autres provinces.

Il ne s’agit pas de paniquer.

Une bonne proportion des gens qui demandent l’asile ont réellement besoin d’aide. Ils doivent être accueillis avec humanité. La violence qui secoue Haïti et de nombreux pays latino-américains, notamment, explique l’afflux actuel.

Il faut aussi remettre les choses en perspective.

Le Québec n’est ni la Turquie ni la Colombie, qui accueillent respectivement les réfugiés de la Syrie et du Venezuela à coups de millions.

Et près de 250 000 personnes traversent la frontière entre les États-Unis et le Mexique… chaque mois. Notre situation géographique nous isole largement des grands flux migratoires.

Il reste qu’au sein de la fédération canadienne, le Québec assume des responsabilités démesurées.

Les réfugiés qui arrivent ici doivent être logés et soignés en attendant que leur demande soit traitée. Leurs enfants doivent aller à l’école. Certes, le fédéral transfère de larges sommes à Québec pour cela. Mais la pression sur les infrastructures est réelle, d’autant que nous vivons une crise du logement, que notre système de santé craque et qu’il manque de profs dans nos écoles.

Ironiquement, cette situation survient aussi au moment où la CAQ a fixé un seuil de 50 000 immigrants par année tandis que le gouvernement Trudeau, lui, veut ouvrir les vannes (Ottawa a annoncé mardi une cible de 500 000 immigrants par année pour 2025). Socialement, l’enjeu est délicat.

S’attaquer aux causes profondes de l’arrivée de demandeurs d’asile au Québec n’est pas simple. Nous avons déjà écrit que fermer le chemin Roxham, comme le réclame François Legault, reviendrait à placer une pierre dans une rivière en pensant arrêter l’eau. Les migrants passeront ailleurs, obligeant les policiers à jouer au chat à la souris avec eux. Ce serait à la fois indigne et inefficace.

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La solution passe par une négociation avec les Américains, ce qui n’est pas facile.

L’enjeu des Mexicains est différent. Historiquement, à peine une demande sur trois est acceptée. Le Canada aurait intérêt à déployer des efforts d’information avant que les Mexicains ne montent dans l’avion pour éviter les désillusions et à collaborer avec les autorités mexicaines et américaines pour démanteler d’éventuels cartels de passeurs.

En attendant de régler les problèmes à l’aéroport Trudeau et au chemin Roxham, Ottawa doit aider le Québec à remplir ses obligations envers des gens qui méritent d’être traités avec toute la dignité possible. Et les autres provinces doivent faire leur part d’efforts.

1. Lisez l’article de Radio-Canada Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion