Décidément, le Parti conservateur du Canada n’a pas de chance quand vient le temps de couronner ses nouveaux chefs. En 2020, l’avènement d’Erin O’Toole avait tardé jusqu’aux petites heures du matin à cause d’un cafouillage technique.

Cette fois, c’est le décès d’Élisabeth II qui porte ombrage à l’évènement qui aura lieu samedi soir, même si on a songé à le reporter. Deuil oblige, on fera dans la sobriété, avec un hommage à la reine, au lieu d’une pluie de confettis lorsque le gagnant montera sur scène.

Peu importe le vainqueur, il faut espérer qu’il saura recentrer le parti sur ses vraies valeurs et laisser de côté le populisme nuisible pour le pays.

Le Parti conservateur du Canada (PCC) a un rôle important à jouer sur l’échiquier politique canadien où les autres partis se sont déplacés vers la gauche. Si le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau peut garder le volant, c’est grâce à l’entente conclue avec les néo-démocrates qui sont assis dans le siège passager.

Cela fait sept mois qu’ils ont la voie libre, car les conservateurs ont été occupés à se battre entre eux depuis l’éjection de leur ancien chef Erin O’Toole, en février. Certains prédisent même l’éclatement du parti à l’issue de la course.

Mais à l’aube de la rentrée parlementaire à Ottawa, les troupes conservatrices pourraient plutôt se concentrer sur la défense des enjeux qui sont traditionnellement les leurs.

Des exemples ?

Le système de santé est en déroute à travers le Canada. La pandémie a mis à nu toutes ses failles qui ne feront que s’élargir avec le vieillissement de la population. Il est temps de penser autrement, d’innover, d’explorer d’autres pistes. Les conservateurs pourraient nourrir le débat en discutant de la pertinence du privé en santé, sans remettre en question la gratuité des soins.

Alors que Justin Trudeau ne daigne même pas négocier l’augmentation des transferts en santé que réclament les provinces, les conservateurs, moins centralisateurs, pourraient aussi mettre leur grain de sel.

Par ailleurs, la pandémie a aussi mis à mal nos finances publiques. Qu’Ottawa ait sorti le chéquier pour venir en aide à la population au plus fort du confinement allait de soi. Mais qu’il ait continué de peser sur l’accélérateur alors que l’économie était déjà repartie sur les chapeaux de roue est tout à fait critiquable. Ici encore, on s’attendrait à ce que les conservateurs prêchent pour davantage de discipline budgétaire.

Leur contrepoids est essentiel au Parlement. On a besoin des conservateurs. Des vrais ! Des « Tories » comme dans la pure tradition canadienne. Pas des Trumpistes qui vont mener le pays vers une dérive dangereuse.

Malheureusement, plusieurs candidats à la course à la direction du PCC nagent dans ce courant.

Leslyn Lewis, ouvertement antiavortement, nourrit les craintes face à la vaccination des enfants. Elle a été jusqu’à faire des liens entre la vaccination et les expériences scientifiques réalisées par les nazis durant la Seconde Guerre. À faire dresser les cheveux sur la tête !

Roman Baber, ancien député provincial ontarien, ne donne pas sa place dans la catégorie de ceux qui se sont objectés aux mesures sanitaires, tellement qu’il s’est fait montrer la porte par le premier ministre Doug Ford.

Mais ce sont surtout les faits et gestes de Pierre Poilievre, allié des camionneurs et grand meneur de la course, qui ont retenu l’attention. Fidèle à sa réputation de pitbull de la Chambre des communes, il s’est attaqué aux institutions canadiennes sans ménagement.

Après avoir chanté les louanges du bitcoin, qui a perdu les deux tiers de sa valeur en moins d’un an, il s’en est pris à la Banque du Canada en qualifiant son patron « d’illettré financier » et en menaçant de le mettre à la porte.

Un tel geste minerait sérieusement la crédibilité de notre pays. Les banques centrales doivent rester libres d’agir. Les pays où les politiciens se mêlent de la politique monétaire se retrouvent généralement avec une inflation encore plus élevée. Allez seulement voir en Turquie.

Dans sa chasse aux « élites », Pierre Poilievre a aussi tiré à boulets rouges sur le Forum économique de Davos qui rassemble chaque année, en Suisse, les décideurs économiques et politiques de la planète.

Son message a résonné très fort dans la « complosphère » où circule une théorie selon laquelle le fondateur du sommet est en train de mettre en place un nouvel ordre mondial ancré dans la dictature sanitaire. Tout cela est ridicule !

Ça ne fait qu’alimenter la colère et la rage désormais décomplexées d’une frange de la population. D’accord, on ne peut plus faire abstraction de cette grogne populaire. Il faut maintenir le dialogue, sans accepter les comportements inacceptables. Mais la moindre des choses serait que les politiciens fassent partie de la solution, pas du problème.

Ce n’est pas en divisant la population qu’on fera avancer le pays. Ce n’est pas en détruisant nos institutions que le peuple sera mieux servi. Il faut revenir au centre pour trouver des terrains d’entente. Construire des ponts au lieu de mettre le feu aux poudres.

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