Non, non, non, ce n’est pas le moment de baisser les impôts. Pourtant, dès le deuxième jour de la campagne, la Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) se livraient déjà à une surenchère de promesses pour réduire le fardeau fiscal des particuliers.

C’est irresponsable, point à la ligne.

On comprend que l’inflation fait très mal au portefeuille des ménages, ce qui pourrait en faire la question de l’urne. Pour les partis politiques, la tentation est forte de se positionner en sauveur avec des baisses d’impôt généralisées pour séduire les électeurs.

Et après tout, le poids de la fiscalité est très lourd au Québec. Plus lourd qu’il ne l’a jamais été en 20 ans. Plus lourd que dans n’importe quelle autre province canadienne et que dans les trois quarts des pays de l’OCDE.

Malgré tout, le moment ne pourrait pas être plus mal choisi pour réduire les impôts. On ne peut pas vider les coffres de l’État alors que les services à la population craquent de partout et que l’incertitude économique reste élevée.

Partout dans le monde, les banques centrales se fendent en quatre pour ramener l’inflation sur terre à grands coups d’augmentation des taux d’intérêt. Cette offensive risque de faire mal à l’économie. Le Mouvement Desjardins prévoit d’ailleurs une légère récession pour 2023, au Québec.

Dans un contexte où l’on a du mal à prévoir six mois devant nous, il est sidérant que la CAQ promette des baisses d’impôt sur dix ans, rien de moins !

Pour le prochain mandat, son « bouclier anti-inflation » prévoit des chèques de 400 $ ou 600 $ d’ici la fin de l’année, en plus d’une baisse de 1 % des deux premiers paliers d’imposition, dès 2023, une économie annuelle pouvant aller jusqu’à 810 $. Le PLQ va encore plus loin, avec une baisse de 1,5 % des deux premiers paliers d’imposition, ce qui représente jusqu’à 1125 $ par année.

Mais, on l’a déjà dit et on le répète, ces baisses d’impôt sont la pire solution pour lutter contre l’inflation. Ça ne prend pas un Nobel en économie pour comprendre qu’on ne combat pas un incendie en l’arrosant avec du carburant.

C’est ce que Québec ferait en ajoutant de l’argent dans les poches des ménages : il fouetterait la demande que les banques centrales essaient de ralentir. Totalement contre-productif.

Le pire, c’est que cet argent consacré aux baisses d’impôt, le gouvernement ne l’aurait pas pour améliorer les services et les infrastructures.

Partout, les besoins sont énormes.

Pensez seulement à la santé, où il manque de médecins de famille, d’infirmières, de psychologues… de tout, quoi ! Pour réduire les listes d’attente en CHSLD, Québec vient d’autoriser à remettre jusqu’à quatre patients par chambre. Misère, avons-nous déjà oublié le sort de nos aînés morts durant la pandémie ?

À force de sous-investir, on se fait rattraper dans le détour. Et les conséquences se comptent en décès. C’est aussi le cas sur notre réseau routier.

Sur la route 117 et l’autoroute des Laurentides, les roulières creusées dans la chaussée par les passages des camions et les nids-de-poule géants rendent la conduite épeurante. Un motocycliste y a laissé sa vie, en mai, près de Sainte-Adèle.

À la grandeur de la province, le déficit d’entretien de nos infrastructures s’élève à 30 milliards, un montant qui a doublé depuis 15 ans. Ce ne sont pas seulement nos routes qui ont besoin d’amour. Pensez seulement aux écoles dont 60 % sont dans un état lamentable, selon le dernier Plan québécois des infrastructures.

Alors, veut-on des baisses d’impôt ou des professeurs dans des classes bien aérées ? Veut-on des allégements fiscaux ou des routes sécuritaires ?

Veut-on des chèques ou des soins de santé ? En passant, Québec sera mal placé pour convaincre Ottawa d’augmenter les transferts en santé si le gouvernement provincial accorde des baisses d’impôt à la population.

Certains diront qu’il n’y a qu’à faire le ménage dans la fonction publique. Innover, réduire le gaspillage… à la bonne heure ! Mais il y a des limites à faire plus avec moins.

Dans ce contexte, les baisses d’impôt tous azimuts doivent attendre. Il serait plus sage de limiter l’aide fiscale aux ménages moins nantis qui subissent plus durement la hausse des prix.

Il vaudrait mieux oublier les baisses de taxes sur l’essence (promesse du Parti conservateur) et le gel du tarif d’Hydro-Québec (promesse du PLQ) qui vont à contre-courant de nos efforts pour réduire notre consommation d’énergie et qui favoriseraient davantage les plus nantis.

Et surtout, il faut se tenir loin des promesses électoralistes, comme celle du PLQ de doubler le supplément pour l’achat de matériel scolaire. Les parents ont-ils vraiment besoin de ce coup de main de 108 $ ? Déjà, une famille qui gagne 50 000 $ par année reçoit 7350 $ d’allocations de Québec et Ottawa pour un enfant.

De grâce, gardons-nous une petite gêne avant de nous offrir de nouveaux bonbons fiscaux.

La pression fiscale en bref

  • Au Québec : 38,8 % 
  • Reste du Canada : 33,4 %
  • Dans les pays de l’OCDE : 33,5 %

La pression fiscale représente le poids de tous les prélèvements fiscaux réalisés par l’ensemble des administrations, par rapport à la taille de l’économie mesurée par le produit intérieur brut (PIB).

Source : Bilan de la fiscalité au Québec, Chaire en fiscalité et en finances publiques

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion