C’est arrivé en plein cœur de Montréal. En plein jour. Alors qu’il y avait plein de monde autour. Les balles ont sifflé alors que les clients mangeaient leur pizza rue Saint-Denis, qu’ils faisaient leurs courses au centre commercial Rockland.

Face à ces deux meurtres en une demi-heure, mardi, on doit brandir un arsenal de mesures pour freiner l’escalade de fusillades dans la métropole. Mais avant tout, commençons par donner une petite tape sur l’épaule de nos policiers, collectivement et politiquement.

Depuis des années, les forces de l’ordre n’ont pas bonne presse. Et ça se comprend. La mort horrible de George Floyd, étouffé sous le genou d’un policier aux États-Unis, en 2020, ou celle du jeune Fredy Villanueva, abattu à Montréal-Nord, en 2008, ont déclenché une vague de protestations contre la brutalité policière et le profilage racial.

Soit. Les abus et la discrimination doivent être dénoncés. Encore et encore.

Mais tous les policiers ne sont pas des salauds, comme certains le clament. Souvenez-vous en janvier, une comédienne de la série « Doute raisonnable » avait mis sur Instagram une photo d’elle habillée en policière. Sur son uniforme, on pouvait voir les lettres ACAB : All Cops are Bastards. Vieux slogan anti-policier.

La méfiance et la hargne du public, les policiers la sentent au quotidien. Filmés lors des interventions, ils se réveillent parfois avec un raz-de-marée d’insultes sur les médias sociaux.

Mais ils sont encore plus démoralisés par l’attitude de la mairesse à leur endroit.

L’an dernier, lorsque Mamadi III Fara Camara a été accusé à tort d’avoir voulu tuer un policier, Valérie Plante avait lancé l’idée du profilage racial, avant même la fin de l’enquête. Finalement, un rapport indépendant a établi que ce n’était pas le cas. Oups.

Vendredi, la mairesse Plante avait beau marteler qu’elle n’avait aucune intention de définancer la police, ce n’est pas pour rien que cette étiquette lui colle à la peau.

Aux dernières élections, c’est elle qui a choisi un militant en faveur du définancement comme candidat à la mairie de Montréal-Nord.

Et ce n’est que poussée dans les câbles par son adversaire Denis Coderre qu’elle a fini par promettre l’ajout de 250 policiers au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Il est vrai que le budget du SPVM a augmenté depuis l’arrivée en poste de Valérie Plante à l’hôtel de ville, en 2018. Mais en consultant les rapports annuels, on constate en revanche que le nombre de policiers a glissé de 6 %, passant de 4591 à la fin de 2017 à 4338 au 15 août dernier, selon la Fraternité des policiers.

C’est 253 policiers de moins en cinq ans. À la vague de départs à la retraite qu’il était facile de prévoir, s’est ajoutée une hausse des démissions de la part de policiers qui en avaient marre du climat de travail.

Recruter n’est guère plus simple : sur 20 recrues qui devaient entrer en septembre, 16 se sont désistées. Outre le salaire d’entrée un peu plus faible qu’à la Sûreté du Québec, le prix du logement et le temps de transport les rebutent.

Il faudra pourtant regarnir les troupes, car la criminalité, elle, ne prend pas de pause.

À Montréal, les crimes contre la personne ont grimpé de 17 % l’an dernier par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, un record depuis 10 ans. Et partout à travers le pays, le taux d’homicides commis avec une arme à feu augmente depuis 2013, selon Statistique Canada.

Nous sommes sur une mauvaise pente. Il faut envoyer un signal politique fort. Rendre les policiers plus visibles. Pour agir contre les criminels et rassurer la population.

En 1995, la mort d’un enfant, victime innocente de l’explosion d’une voiture lors de la guerre des motards, a mené à la création de l’escouade Carcajou pour lutter contre le crime organisé.

Aujourd’hui, il faut aussi un plan pour lutter contre le crime, cette fois, plus désorganisé. Les jeunes des gangs de rue ont été biberonnés aux médias sociaux où la surenchère des insultes grimpe vite. On y banalise les armes à feu qui sont devenues si faciles à obtenir.

Il est vrai qu’Ottawa va interdire la vente d’armes de poing avec le projet de loi C-21. Tant mieux. Mais cela aura un impact limité sur les criminels, car 85 % des armes saisies proviennent du marché noir américain, selon le Service de police de Toronto. Sans compter qu’on peut maintenant imprimer des armes en polymère et commander les pièces sans même avoir de permis, une faille qu’il faudrait colmater.

Il est aussi vrai que Québec a débloqué 90 millions l’an dernier pour sa stratégie Centaure de lutte contre la contrebande d’armes à feu.

Pour l’instant, les autorités demeurent réticentes à intervenir sur la réserve d’Akwesasne qui chevauche les États-Unis, le Québec et l’Ontario. Mais on ne peut pas se contenter de saisir des armes, sans mieux surveiller la frontière. C’est comme si on essayait de vider le Saint-Laurent avec une chaudière.

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