Alerte : un ambitieux projet gouvernemental de deux milliards de dollars est sur le point d’être réalisé dans les budgets et (à peu près) dans les délais au Québec. Deux ans avant l’Ontario par surcroît !

Quel est cet ambitieux projet ? Brancher 100 % des foyers québécois à l’internet haute vitesse (50 Mb/s).

En 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis que chaque foyer aurait accès à l’internet haute vitesse à temps pour les élections de l’automne 2022. Cette promesse avait fait sourciller des experts en télécom. Après tout, Ottawa vise un taux de couverture de 98 % en 2026 et 100 % en 2030. Traduction : la promesse caquiste était pleine de bonnes intentions, mais irréaliste.

Pourtant, d’ici mars 2023, le Québec devrait devenir la première province canadienne où l’internet haute vitesse sera accessible partout sur son territoire. En comparaison, l’Ontario se donne jusqu’en 2025 pour y parvenir, la Colombie-Britannique jusqu’en 2027.

Elle est donc bientôt finie, l’époque où des villes et des villages (même près de Montréal) étaient désavantagés parce que la connexion internet y est trop lente.

En 2022, l’accès à l’internet haute vitesse n’est pas un luxe. C’est un service essentiel et un outil de développement économique. Si on ne veut pas vider nos régions éloignées, celles-ci doivent pouvoir lutter à armes égales sur le plan technologique, à la fois pour garder leurs résidants et pour attirer des entreprises. Ça signifie avoir accès à l’internet haute vitesse.

Les entreprises de télécoms rivalisent de vitesse pour brancher les grands centres urbains. Pour les régions plus éloignées, comme c’est moins rentable, les gouvernements subventionnent une partie du déploiement des réseaux. Ça a toujours fonctionné ainsi, et Québec a poursuivi cette formule, en imposant cette fois-ci des pénalités financières aux entreprises de télécoms qui ne respectaient pas les délais convenus.

Au Québec, il en coûtera deux milliards pour brancher les 380 000 foyers restants entre 2018 et le début de 2023*. Les entreprises de télécoms ont investi 900 millions, les contribuables 1,1 milliard (627 millions de Québec, 464 millions d’Ottawa). En comparaison, l’Ontario paiera quatre milliards pour brancher tous ses foyers restants d’ici 2025.

En mars dernier, 250 000 foyers québécois n’étaient toujours pas branchés. Ce nombre sera réduit à 85 000 au 30 septembre, selon les prévisions de Québec.

De ces foyers, 8000 sont « orphelins », c’est-à-dire qu’ils sont très isolés et qu’il coûterait trop cher de les brancher au réseau filaire (fibre optique). S’ils le veulent, on les branchera plutôt par satellite avec Starlink, l’entreprise d’Elon Musk. Québec paie l’équipement et accorde une subvention de 40 $ par mois pour ramener la facture mensuelle du consommateur à environ 100 $ par mois. Ce choix est logique.

Pour les 77 000 autres foyers non desservis au 30 septembre (2,1 % des foyers du Québec), les contrats sont signés et ça devrait être réglé au cours de l’automne (62 000 foyers) ou durant les trois premiers mois de 2023 (15 000 foyers). Dans l’intervalle, ces 77 000 foyers sont admissibles à l’offre gouvernementale de Starlink dès la fin septembre. (Ça permet à la CAQ de respecter sa promesse électorale. Québec prévoit qu’environ 10 % de ces foyers se prévaudront de l’offre Starlink.)

Le plus important n’est pas tant de déterminer si la CAQ a respecté à la lettre sa promesse électorale. C’est que les Québécois dans les communautés rurales soient branchés rapidement.

Et sur cette question, Québec — appuyé par Ottawa et ses centaines de millions – a livré la marchandise et mérite une note presque parfaite.

Personne ne se formalisera d’un délai de quelques mois pour l’arrivée de la fibre optique dans 2,1 % des foyers. Surtout que le Québec sera la première province à franchir le fil d’arrivée en mars 2023, loin devant les autres.

Il y a aussi une intéressante leçon de gouvernance à tirer de cette expérience. Le gouvernement Legault a choisi de confier ce dossier au député caquiste Gilles Bélanger, qui s’y est consacré à temps plein. Voilà une façon intéressante de revaloriser la fonction de député, alors que plusieurs ministres sont surchargés. Si la CAQ est réélue avec tellement de députés d’arrière-ban qu’elle ne sait plus quoi en faire, cette formule pourrait faire des petits.

* Il s’agit de foyers admissibles à l’internet haute vitesse. Par exemple, un camp de pêche sans électricité situé profondément dans le bois n’est généralement pas un foyer admissible (et c’est très bien ainsi).

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