Les oiseaux de malheur n’ont pas la langue dans leur poche quand il est question du français.

Évidemment, le français en Amérique du Nord sera toujours dans une position fragile qu’il faudra défendre. Et les données diffusées par Statistique Canada, cette semaine, prouvent qu’il faut en faire davantage.

Mais, de grâce, ne partons en peur !

Rassurez-vous, le français n’est pas en train de « s’effondrer » comme certains l’ont écrit. Le Québec ne deviendra pas la Louisiane, où il ne reste même plus 5 % de francophones. Ce scénario catastrophe ne tient pas la route, si on se fie aux experts de la démolinguistique.

Si on assiste véritablement à un recul du français dans le reste du Canada, on ne peut pas dire qu’il y a une « dégringolade » du français au Québec.

Au contraire, le nombre de personnes qui parlent français à la maison a augmenté de 6,4 millions en 2016 à 6,5 millions en 2021, même s’il est vrai que leur proportion a baissé de 79 % à 77,5 %.

Bref, ce ne sont pas les francophones qui disparaissent, mais plutôt les immigrants qui sont plus nombreux, ce qui se reflète forcément dans la proportion de plus en plus grande de Québécois dont la langue maternelle et la langue parlée à la maison ne sont pas une des deux langues officielles.

Mais l’important, ce n’est pas la langue parlée dans la cuisine, mais celle parlée dans l’espace public.

Et ici, les données restent rassurantes. Avant l’adoption de la loi 101, 88 % des Québécois pouvaient soutenir une conversation en français. En 2021, on est rendu à 93,7 %. Autrement dit, la maîtrise du français est quasi universelle au Québec, même s’il est inquiétant de voir que ce pourcentage a légèrement fléchi depuis le dernier recensement (94,5 %).

Mais au lieu de braquer les gens en érigeant des barricades entre les deux langues, il faut créer des ponts au-dessus du fossé creusé par la dualité linguistique.

Il faut aussi repenser l’immigration qui reste la planche de salut d’un Québec dont la population active décline.

Oubliez la revanche des berceaux ! Malgré de généreux programmes sociaux fiscaux qui font du Québec le paradis des familles, le taux de fécondité se situe autour de 1,6 enfant par femme, alors qu’il en faudrait 2,1 pour assurer la stabilité de la population.

On ne s’en sort pas, la croissance du Québec passe par l’immigration. Sinon, le poids du Québec continuera de diminuer au sein du Canada. Avec le seuil actuel de 50 000 immigrants par an, l’immigration au Québec ne représente que 11 % de l’objectif du Canada, bien loin de notre poids démographique au sein du pays (23 %).

Donc, il faut des immigrants. Mais encore faut-il qu’ils parlent français.

Entre 2001 et 2016, près des trois quarts d’entre eux (73 %) ont adopté le français, ce qui est beaucoup mieux que 27 % avant, au début des années 1970.

Est-ce que ce niveau de transfert linguistique est suffisant ? Non ! Il faudrait atteindre 87 % pour assurer la stabilité linguistique, selon les calculs du sociolinguiste Calvin Veltman, retraité de l’UQAM.

Québec n’atteindra pas cet objectif en imposant des mesures coercitives déraisonnables, comme l’obligation de recevoir les services publics en français six mois après l’arrivée des immigrants au Québec.

À la place, Québec devrait mettre la pédale au fond sur la francisation, lui qui ne dépense pas au complet la généreuse enveloppe qu’Ottawa lui remet en vertu de l’accord Canada-Québec sur le partage des compétences en immigration.

Autrement dit, il faudrait utiliser la carotte au lieu du bâton.

Mais il serait encore plus simple de sélectionner davantage d’immigrants issus de la francophonie, plutôt que de favoriser les Asiatiques qui arrivent, en raison de leur passé colonial, avec l’anglais dans leurs valises.

Et attention : on se berce d’illusions si l’on croit qu’on y arrivera en attirant uniquement des Français, des Belges ou des Suisses. La croissance de la francophonie provient d’Afrique. C’est là qu’il faut recruter… que ce soit avec l’immigration permanente supervisée par Québec ou avec l’immigration non permanente (travailleurs temporaires, étudiants étrangers) qui a explosé ces dernières années, en réponse à la pénurie de main-d’œuvre, en vertu de programmes contrôlés par Ottawa.

Malheureusement, Ottawa fait la vie dure aux étudiants issus de l’Afrique francophone qui se voient refuser de manière disproportionnée un visa. Il faut lever les obstacles administratifs qui les empêchent de venir étudier au Québec ou ailleurs au Canada. Il faut revoir les critères qui font en sorte que les dossiers des étudiants africains bloquent.

Vivement un grand ménage !

Mais en matière d’immigration francophone, Ottawa se traîne lamentablement les pieds depuis 20 ans, n’arrivant même pas à la moitié de sa cible de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec.

Allez, un peu d’effort ! Il faut rendre le Canada plus attractif auprès des immigrants francophones. Offrir davantage de services aux francophones hors Québec, comme des garderies et des écoles. Un rattrapage urgent s’impose, car le français accuse un recul inquiétant dans toutes les autres provinces que le Québec.

La planète compte 321 millions de francophones. Ce n’est pas croyable qu’on ne puisse pas en attirer quelques-uns chez nous.

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