Ce n’est pas d’hier qu’on demande à la Fonderie Horne de respecter la norme provinciale d’émission d’arsenic dans l’air, qui est de 3 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3).

En 2004, un groupe de travail composé de plusieurs acteurs du milieu de la santé en était venu à la conclusion qu’il fallait abaisser les émissions à 10 ng/m⁠3, dans un délai de 18 mois. Ce groupe demandait aussi que la Fonderie Horne s’engage à présenter un plan et un échéancier permettant d’atteindre la norme provinciale de 3 ng/m⁠3.

Ce fameux calendrier, on l’attend toujours 18 ans plus tard.

Et il est regrettable que le plan soumis par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, au début de la semaine, reporte encore aux calendes grecques l’atteinte de cette norme provinciale.

En fait, le gouvernement propose seulement d’abaisser le seuil à 15 ng/m⁠3, d’ici cinq ans, en suivant une recommandation récente de la Santé publique, sans préciser à quelle vitesse l’entreprise devra diminuer ses émissions, actuellement soumises à un seuil de 100 ng/m⁠3.

On peut donc craindre que l’entreprise attende à minuit moins une pour faire de véritables efforts, alors que des groupes communautaires réclamaient une baisse à 15 ng/m⁠3 dès novembre prochain.

On les comprend. La patience a ses limites.

Car pendant ce temps, les enfants qui vivent à côté de l’usine ont une concentration d’arsenic dans leurs ongles quatre fois trop élevée. Rien de rassurant puisque l’arsenic peut causer le cancer, notamment du poumon. Il est également associé à des troubles neurodéveloppementaux, spécialement chez les jeunes enfants.

Si on juge que la norme acceptable se situe à 3 ng/m⁠3 au Québec, il n’y a pas de raison qu’elle soit différente pour les enfants du quartier Notre-Dame, situé à 100 mètres de la fonderie.

Il faut cesser de faire des compromis avec la santé. Point.

La fonderie, qui existe depuis 1927, a eu de longues années pour s’adapter. Le gouvernement lui a permis de dépasser la norme en lui octroyant une « attestation d’assainissement » comme à 89 autres grands pollueurs à travers le Québec.

Mais cette attestation ne doit pas devenir un permis pour continuer de polluer pour l’éternité.

Il faut reconnaître que, depuis la fin des années 1990, l’entreprise a considérablement réduit ses émissions d’arsenic, mais aussi de plomb et de cadmium.

Est-ce suffisant ? Certainement pas.

On s’entend qu’on ne peut pas atteindre la norme provinciale du jour au lendemain, à moins de fermer l’usine. Et une fermeture aurait un impact économique important sur la région, puisque l’entreprise crée 600 emplois directs et 1850 emplois indirects.

N’empêche, il est inacceptable qu’une fonderie aussi polluante soit installée au beau milieu d’un quartier résidentiel.

Que faire alors ?

L’entreprise pourrait déménager le quartier, à ses frais. Non, ce n’est pas si saugrenu. En 2009, la société minière Osisko a déboursé des dizaines de millions pour déplacer les résidants d’un quartier de Malartic afin d’y installer la plus grande mine d’or à ciel ouvert au Canada.

Mais si l’opération a permis de relancer l’économie de la ville en déclin, elle a aussi soulevé la grogne de certains résidants. Et on peut gager qu’il en serait de même à Rouyn-Noranda.

Avant d’en arriver là, Québec devrait faire preuve de fermeté et imposer un calendrier visant l’atteinte de la norme provinciale, avec une date claire et précise et des objectifs intermédiaires chiffrés.

Le gouvernement a déjà laissé entendre qu’il était prêt à débloquer des fonds publics pour aider la fonderie à se moderniser. Mais il devra faire preuve de parcimonie.

Le plus gros de l’effort ne doit pas venir des fonds publics, mais plutôt de l’entreprise qui se félicitait justement au début d’août d’avoir enregistré une performance financière exceptionnelle. La multinationale a multiplié par dix ses profits, encaissant ainsi plus de 12 milliards en six mois.

Il y a certainement moyen de puiser dans ces profits juteux pour assainir l’air de Rouyn-Noranda.

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