Imaginez des coureurs bondissant de leurs blocs de départ bien avant que l’arbitre siffle le début de la course.

Eh bien, c’est exactement ce que font les partis politiques en déballant leurs publicités depuis déjà le mois de mai, alors que la campagne en vue des élections du 3 octobre ne sera pas lancée avant les derniers jours d’août.

Autant la Coalition avenir Québec (CAQ) que le Parti libéral du Québec (PLQ) misent sur le « vrai monde » pour chanter les louanges de leur chef, avec un résultat pour le moins mitigé.

Dominique Anglade qui apparaît au milieu d’un champ, comme Jinny sortant de sa bouteille dans la fameuse émission de télé, pour mettre en valeur sa charte des régions aux côtés d’un cultivateur… comment dire ? Ça fait un peu plaqué.

Mais ce qui fait jaser ces jours-ci, c’est surtout la publicité de la CAQ mettant en vedette une femme de près de 80 ans affirmant avec une conviction inébranlable à quel point elle apprécie François Legault. Si la tendance se maintient, la capsule qui a déjà été parodiée par l’humoriste Arnaud Soly sur les réseaux sociaux pourrait se retrouver au prochain Bye Bye.

Ce qui fait moins rire, c’est que la femme en question n’a reçu qu’un maigre 250 $, selon sa fille (500 $, selon la CAQ), pour sa participation à cette publicité, sous forme de vox pop arrangé avec le gars des vues. La CAQ affirme qu’elle aurait refusé une rétribution, mais que l’équipe de production a insisté pour lui remettre cette somme « symbolique ». Sauf qu’un cachet de 10 000 $ n’aurait pas été démesuré, selon des experts.

La polémique entourant le cachet de cette femme aura au moins permis de braquer les projecteurs sur les sérieux enjeux que posent ces publicités préélectorales pour la santé de notre démocratie.

La donne a changé depuis que les élections ont lieu à date fixe au Québec, soit le premier lundi d’octobre, tous les quatre ans. Ce système a l’avantage d’assurer l’équité entre les partis politiques, alors qu’auparavant seul le parti au pouvoir connaissait à l’avance le moment des élections. Un atout stratégique indéniable.

Mais le nouveau système comporte aussi des inconvénients, comme on l’a vu lors des premières élections à date fixe, en 2018. Sachant à quoi s’attendre, les partis politiques s’y sont pris d’avance, en multipliant par cinq leurs dépenses pour des publicités préélectorales.

Cette stratégie leur a permis de contourner allègrement les règles du jeu. Il faut savoir qu’au Québec, les dépenses publicitaires des partis politiques sont limitées durant la campagne électorale.

Quant aux particuliers ou aux entreprises, ils n’ont pas le droit du tout d’injecter de l’argent en publicité durant la campagne. Cette règle, une des plus strictes au monde, limite la liberté d’expression. Mais c’est le prix à payer pour s’assurer que le pouvoir de l’argent n’influence pas notre démocratie. Les tribunaux l’ont confirmé.

Le hic, c’est que les particuliers et les entreprises n’ont absolument aucune règle à suivre à l’extérieur de la campagne électorale, ce qui ouvre la porte à bien des dérives. Pour en avoir le cœur net, le Directeur général des élections du Québec réclame la mise en place d’un registre auquel devraient s’inscrire les particuliers et les entreprises qui font de la publicité préélectorale.

C’est bien le minimum qu’on puisse faire !

Au fédéral et dans de nombreuses provinces, les dépenses électorales sont limitées plusieurs mois avant le jour du scrutin, et non seulement à partir du déclenchement de la campagne. C’est vrai autant pour les formations politiques que pour les entreprises ou les particuliers.

Qu’attend-on pour en faire autant ? Québec doit s’assurer que tous les coureurs s’élancent au même moment dans la course. Et que personne ne prenne de l’avance pour contourner les limites de dépenses publicitaires.

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