C’était écrit dans le ciel. Ottawa pouvait voir venir le goulet d’étranglement dans les bureaux des passeports d’aussi loin qu’un contrôleur aérien voit arriver un Boeing 777 du haut de sa tour.

Après deux ans de pandémie durant lesquels les Canadiens ont été cloués chez eux, il était évident que la demande de passeports prendrait son envol à l’approche du premier été où les voyageurs peuvent enfin partir à l’étranger.

Durant les deux premières années de la pandémie, Service Canada n’a reçu que 20 % du volume normal de demandes de passeport. Maintenant, le boomerang nous revient en plein visage. Et ça fait mal.

Même les personnes responsables qui avaient pris soin d’expédier leur demande par la poste il y a plusieurs mois se retrouvent dans le pétrin quelques jours avant leur départ.

Elles sont forcées de dormir devant les bureaux des passeports, à Montréal et ailleurs au pays. Certains font la file pendant 36 heures. Et quand on dit file, c’est un bien grand mot : les gens sont obligés de gérer eux-mêmes la liste d’attente, tellement le gouvernement est mal organisé. Des policiers ont même été appelés en renfort, ce qui montre à quel point Ottawa a perdu le contrôle.

À voir les images de campements improvisés devant le Complexe Guy-Favreau, on se serait cru dans une république bananière ! Ce chaos est absolument inacceptable.

Avril, mai, juin… voilà des mois que les voyageurs s’arrachent les cheveux de la tête à cause de leur passeport. Mais la situation ne fait qu’empirer sans que le fédéral arrive avec l’ombre du début d’une véritable solution.

Mardi, le premier ministre Justin Trudeau n’a donné qu’une réponse vague, face au concert de reproches de l’opposition.

Au moins, on distribuera désormais des billets, à partir de 7 h le matin, pour que les gens qui partent d’ici 48 heures puissent quitter la file et revenir à une heure précise pour être servis. Voilà qui est plus humain.

Le gouvernement tente aussi de convaincre 200 employés de l’Agence du revenu de prêter main-forte à leurs collègues des passeports. Mais on ignore combien accepteront et si cela fera une véritable différence.

Depuis de début de l’année, Service Canada a embauché environ 600 employés et compte en embaucher 600 autres. Mais sur le terrain, aucun signe d’amélioration.

La bureaucratie fédérale prouve à quel point elle a du mal à livrer les services à la population, et ce n’est pas un cas unique. On n’a qu’à penser aux délais inacceptables dans le traitement des dossiers d’immigration.

Une fois de plus, le gouvernement Trudeau démontre qu’il est toujours en retard sur la balle dans les dossiers qui touchent aux transports depuis le début de la pandémie. Ce nouvel épisode risque de laisser un goût très amer aux personnes dont les plans de voyages sont chamboulés.

Ce ne sont pas que des caprices. Certains doivent se rendre à l’étranger pour des raisons familiales. D’autres prennent l’avion pour le travail ou leurs études. Ceux qui partent en vacances ont bien besoin de recharger leurs batteries et de vider le stress après deux années de pandémie qui ont pesé lourd sur la santé mentale. Mais dans les conditions actuelles, la joie de partir en voyage fait place à l’anxiété.

Les journées d’attente se traduisent par des pertes de revenus pour les travailleurs qui doivent s’absenter du boulot. Mais ils ne peuvent pas changer leurs plans, car les assurances ne remboursent pas les annulations dues au fait que le passeport n’est pas à jour.

Bref, les voyageurs sont coincés. Les Canadiens sont prisonniers de leurs frontières. Et ça ne va pas s’améliorer, car le flot de demandes augmentera avec le 10e anniversaire, en juillet 2023, des premiers passeports délivrés pour une durée de 10 ans.

Ottawa doit donc tout mettre en œuvre pour accélérer le traitement des passeports, en gardant ses bureaux ouverts le soir et le week-end, par exemple. Il doit aussi donner plus d’information aux voyageurs qui sont actuellement dans le brouillard, sans savoir s’ils pourront décoller.

Allô, la tour de contrôle ?

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  • 1,3 million
    Passeports délivrés au cours de l’année terminée le 1er avril 2022
    363 000
    Passeports délivrés au cours de l’année terminée le 1er avril 2021
    Source : Emploi et développement social Canada
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