Un développement immobilier ou un parc ?

Depuis que le golf est en perte de vitesse, malgré un petit regain causé par la pandémie, les terrains de golf désaffectés sont très convoités par des groupes aux visions diamétralement opposées.

Les promoteurs immobiliers se frottent déjà les mains en imaginant les nouveaux quartiers qu’ils pourraient y développer. Les groupes environnementaux, eux, ont sorti leurs pancartes et réclament un moratoire. Ils souhaiteraient qu’on transforme ces pelouses manucurées en espaces verts protégés. Quant aux élus municipaux, ils sont pris entre l’arbre et l’écorce et demandent du temps pour réfléchir.

Du temps, c’est heureusement ce que leur accordera la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) aujourd’hui en adoptant un règlement de contrôle intérimaire pour six villes qui devront se faire une tête à propos de la requalification de leur ancien terrain de golf. C’est une bonne chose. Ce règlement les protège en outre de la pression des promoteurs.

Il laisse aussi à la CMM, qui rassemble les 82 villes de la grande région montréalaise, le temps de pondre un nouveau Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD).

Cette vision, qui devrait être présentée au plus tard en 2024, encadrera leur développement pour les 10 prochaines années. Les citoyens de chacune de ces municipalités ont leur mot à dire dans le débat qui entoure la requalification des terrains de golf.

Ils doivent considérer plusieurs choses.

D’abord, il ne faut pas confondre « espaces verts » et « espaces naturels ». Comme l’a déjà souligné le professeur d’économie écologique à l’Université du Québec en Outaouais, Jérôme Dupras, dans nos pages, les terrains de golf sont souvent fortement contaminés par des pesticides et autres produits chimiques. Avec le temps, les animaux ont quitté les lieux. La principale faune qui les fréquente porte des bermudas…

Dans les municipalités où il y a de l’espace et des infrastructures pour accueillir un nouveau développement immobilier, ces espaces verts devraient donc être conservés.

La restauration écologique de ces espaces verts permettrait à la CMM de se rapprocher de son objectif de 17 % de protection du territoire d’ici 2031, objectif fixé par la convention sur la biodiversité biologique.

La restauration coûte cher ? Jérôme Dupras, qui plaide pour sa part en faveur de la mise sur pied d’un Fonds d’acquisition et de restauration des anciens golfs, rappelle qu’Ottawa consacre des sommes considérables à la protection du patrimoine naturel, ce qui inclut la requalification d’espaces verts. À l’heure actuelle, le Québec ne reçoit pas sa part de ces sommes généreuses. La CMM devrait aller frapper à la porte du ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault…

Cela dit, dans les municipalités qui manquent d’espace pour accueillir de nouveaux résidants, et qui disposent d’un terrain de golf désaffecté à proximité d’infrastructures existantes, il faut privilégier une autre approche.

Avant d’encourager le développement immobilier en périphérie — et favoriser ainsi l’étalement urbain —, les villes devraient pouvoir transformer leur ancien terrain de golf en écoquartier.

C’est la position défendue par l’organisme Vivre en ville, et elle est très pertinente. Attention ! On ne parle pas d’un développement sauvage avec des monster houses. On ne dit pas non plus qu’il faille ériger des tours à condos de 15 étages. On parle d’écoquartiers à densité moyenne (deux ou trois étages) entourés d’espaces verts, de sentiers et de jardins communautaires ouverts à toute la population, pas seulement aux résidants du secteur. Pas question de développer des communautés fermées comme aux États-Unis !

La requalification des terrains de golf se situe à l’intersection de deux crises : la crise du climat et celle du logement. Il serait mal indiqué d’adopter une solution unique qu’on imposerait à toutes les municipalités. Il faut plutôt trouver une réponse adaptée aux besoins des différentes communautés. Bref, prendre le temps d’imaginer le bon projet pour le bon golf.

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