Si on juge une société à la façon dont elle traite les plus vulnérables, le verdict rendu lundi par le Protecteur du citoyen n’est pas très flatteur pour le Québec.

Son rapport, au sujet des services offerts aux élèves du primaire en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, est à la fois préoccupant et désespérant.

Préoccupant parce que les services offerts à ces jeunes vulnérables le sont « selon ce qui est possible ». Ils devraient pourtant l’être « selon ce qui est nécessaire ».

De cet échec en découle un autre.

Ces jeunes « ne font pas les progrès attendus et leurs retards persistent, freinant leur parcours scolaire et leur épanouissement personnel et social », constate le protecteur du citoyen, Marc-André Dowd.

Le rapport est désespérant, par ailleurs, parce qu’il y a longtemps que l’on connaît les problèmes auxquels font face les enfants vulnérables et leurs familles, qui ont un urgent besoin des services offerts par des orthopédagogues, des orthophonistes, des psychoéducateurs, des psychologues, etc.

On sait que ces professionnels sont trop peu nombreux à travers le réseau scolaire public. Et on peine à trouver des renforts à la fois parce que les conditions de travail et les salaires de ces spécialistes ne sont plus assez avantageux.

On sait aussi que les services ne sont pas systématiquement offerts en fonction des besoins des élèves, mais plutôt selon les sommes mises à la disposition des centres de services et des écoles. Des sommes qui demeurent trop souvent insuffisantes.

« On dit qu’il faut intervenir en fonction des besoins des élèves, mais dans mon quotidien, ce n’est pas vrai. On me demande d’éteindre des feux et d’égrainer le service pour en donner au plus grand nombre », a déclaré un des professionnels ayant témoigné dans le cadre de l’enquête.

On sait, enfin, que les tâches administratives des professionnels sont tellement lourdes — notamment en ce qui concerne l’évaluation de ces élèves en difficulté – qu’elles empiètent considérablement sur le temps qui pourrait être consacré à l’offre de services.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, avait d’ailleurs promis de remédier à ce problème. Mais c’est visiblement plus facile à dire qu’à faire.

Deux années de pandémie ont chamboulé les priorités, bien sûr. N’empêche que la COVID-19 a parfois le dos large.

Le ministère de l’Éducation est loin d’avoir été exemplaire.

Il n’a même pas encore de portrait clair de ce qui se passe dans le réseau à travers le Québec quant aux postes vacants de professionnels qui doivent être pourvus pour une offre de service adéquate. Il ne connaît pas non plus les délais entre le moment où on reconnaît qu’un élève a besoin d’aide et celui où il obtient des services.

Il n’est pas étonnant qu’un ministère frappe un mur lorsqu’il a du mal à voir les chemins qui s’offrent à lui.

Heureusement, dès qu’il sera prêt à braquer les yeux sur la route, il pourra se servir de la marche à suivre proposée par le Protecteur du citoyen, mais aussi des multiples recommandations effectuées au fil des ans par tous ceux qui ont à cœur le bien-être des jeunes vulnérables. Le Conseil supérieur de l’éducation et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sont du nombre.

Sans oublier la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec. Elle a notamment suggéré en début d’année la création d’équipes multidisciplinaires afin de « répartir le soutien, d’agir en prévention et de créer une dynamique de travail efficace pour répondre aux besoins des milieux ». Une recommandation similaire est au cœur du rapport du Protecteur du citoyen.

En résumé, il est urgent de revoir à la fois le modèle de financement des services et leur organisation.

C’est un défi majeur et la personne qui occupera le poste de ministre de l’Éducation au sein du prochain gouvernement aurait tout avantage à en faire une priorité. Le sort des enfants en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage en dépend.

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