Laquelle des deux affirmations est vraie à propos des dernières élections provinciales en Ontario ?

1) Les conservateurs de Doug Ford ont été réélus facilement avec 83 sièges sur 124.

2) Les conservateurs de Doug Ford ont obtenu l’appui de seulement 18 % des Ontariens inscrits sur la liste électorale.

Difficile à croire, mais ces deux affirmations sont vraies.

Les dernières élections en Ontario sont un double avertissement sur l’état de notre démocratie.

Premièrement, il s’agit de loin du pire taux de participation (43 %) pour des élections provinciales en Ontario, ce qui est inquiétant.

Deuxièmement, les distorsions engendrées par notre système électoral n’ont jamais paru aussi évidentes.

Notre scrutin uninominal majoritaire à un tour, où celui qui obtient le plus de votes remporte la circonscription (peu importe son pourcentage de votes), a comme avantage de donner des gouvernements stables. Il est à son mieux quand il y a deux partis majeurs. Mais quand il y a trois partis majeurs comme en Ontario, il provoque des distorsions démocratiques importantes et des gouvernements moins représentatifs de la volonté générale des électeurs.

Avec ce système, un parti peut former un gouvernement majoritaire sans avoir l’appui de la majorité des électeurs. C’est ce qui arrive le plus souvent. Au point où nous trouvons normal qu’une minorité des gens qui ont voté élise un gouvernement majoritaire !

Prenez l’Ontario. La plupart des Ontariens sont de centre gauche (libéraux) ou de gauche (NDP). Mais comme l’opposition est divisée entre le NDP (23,7 % des votes) et les libéraux (23,8 % des votes), les conservateurs ont obtenu 67 % des sièges avec 40,8 % des votes.

Au Québec, la distorsion pourrait s’agrandir à l’automne avec des élections à cinq partis pouvant espérer faire élire des députés. Avec 43 % des intentions de vote, la CAQ remporterait 80 % des sièges, selon les prédictions du site Qc125. Il s’agirait d’un écart abyssal de 37 points. On n’a pas vu une pareille distorsion au Québec depuis 50 ans. En 1973, les libéraux avaient remporté 93 % des sièges (102 sièges sur 110) avec 55 % des votes, un écart de 38 points.

L’idée n’est pas de critiquer la CAQ, mais de revoir notre mode de scrutin pour s’assurer qu’il ne laisse pas les électeurs sur leur faim.

« Mon vote ne compte pas », entend-on souvent de la part d’électeurs désabusés.

On doit combattre de toutes nos forces le pessimisme démocratique. Mais on doit aussi regarder la réalité en face : dans un système comme le nôtre et avec cinq partis, un nombre trop important de votes ne compte tout simplement pas.

En 2018, les quatre partis de l’opposition au Québec s’étaient entendus pour ajouter un aspect proportionnel à notre système électoral pour le rendre mixte. Ç’aurait été plus représentatif, mais la CAQ a changé d’idée une fois au pouvoir.

Un scrutin proportionnel pur est très représentatif, mais il a aussi ses défauts, dont la prolifération de petits partis, qui ont souvent un pouvoir démesuré au sein des gouvernements de coalition.

À notre avis, la meilleure solution est le scrutin préférentiel, où on classe les candidats par ordre de préférence. Dans ce système, on élimine les candidats les moins populaires et on redistribue leurs votes (selon les choix subséquents) jusqu’à ce qu’un candidat obtienne plus de 50 % des votes. Si votre premier choix est éliminé, on comptabilise votre deuxième choix, et ainsi de suite. Résultat : les élus sont beaucoup plus représentatifs de la volonté de la majorité des électeurs. Et surtout, les partis politiques ont ainsi tendance à se recentrer pour parler à un plus grand bassin d’électeurs.

On l’a écrit en 2016 (quand Justin Trudeau a abandonné la réforme du mode de scrutin) et on le pense toujours : la meilleure réforme électorale est un scrutin préférentiel avec notre système actuel de circonscriptions.

Trop compliqué, dites-vous ? L’Australie utilise cette formule depuis plus d’un siècle, et ça fonctionne très bien. Au Canada, la plupart des partis politiques choisissent leur chef avec le vote préférentiel. Dont les conservateurs fédéraux pour leur course actuelle à la direction.

Si c’est bon pour élire les chefs de parti, c’est bon pour élire les députés.

Lisez « Réforme électorale : pour le vote préférentiel » (éditorial de François Cardinal en 2016) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion