Commençons par une prédiction. Les Américains vont subitement cesser d’épiloguer sur le procès de Johnny Depp et d’Amber Heard. Les deux célébrités vont être éclipsées par une autre vedette : Donald Trump.

C’est que les auditions publiques de la commission sur le 6-Janvier débutent ce jeudi. Les États-Unis vont se replonger dans le chaos de l’assaut du Capitole, annonce-t-on. Ce à quoi on se sent forcé de répondre : tant mieux !

Cet assaut, le 6 janvier 2021, a été la manifestation la plus saisissante des dérives du trumpisme. Les auditions publiques de l’enquête menée à ce sujet au Congrès américain vont se pencher sur le comportement de l’ancien président. Et sur celui de ses alliés les plus fidèles.

Alors oui, tant mieux s’ils s’y replongent, nos voisins. Ils doivent le revivre, ce cauchemar, pour en tirer des leçons.

Car jusqu’ici, ils font du surplace. Il y a maintenant plus d’un an que Joe Biden s’est installé dans le bureau Ovale, et l’état de santé de la démocratie américaine ne s’est pas amélioré depuis.

C’est inquiétant. Pour eux comme pour nous, voisins et spectateurs passifs de cette période trouble de l’histoire américaine commanditée par Donald Trump.

Un trop grand nombre de ténors du Parti républicain continuent désespérément – et jusqu’ici impunément – de prétendre que l’élection de novembre 2020 était truquée. Et un trop grand nombre de leurs partisans ont fini par s’en persuader.

Tant mieux si les Américains se replongent dans ce chaos, aussi, car trop de questions demeurent sans réponses.

– Que s’est-il vraiment passé, dans les coulisses, le jour de l’insurrection ?

– Quelle a été l’implication de l’ancien président et de ses alliés ?

– Quelle a été la véritable nature de leur effort visant à renverser le résultat du scrutin ?

Il est également urgent de déterminer comment éviter un tel fiasco à l’avenir et comment protéger la démocratie américaine contre de telles menaces.

Certains estiment, non sans raison, que l’insurrection de janvier 2021 n’était qu’une répétition.

PHOTO MARK MAKELA, REUTERS

Liz Cheney

Les Américains « doivent comprendre à quel point notre système démocratique peut facilement se dégrader si nous ne le défendons pas », a déclaré récemment Liz Cheney.

Peu importe ce qu’on pense des idées défendues par la fille de l’ancien vice-président Dick Cheney, convenons qu’elle est aujourd’hui un bel exemple de courage.

Elle était parmi les 10 membres républicains de la Chambre des représentants – sur 211 – qui ont osé voter pour la mise en accusation de Donald Trump (pour incitation à l’insurrection) lors de la deuxième procédure de destitution lancée contre lui.

Aujourd’hui, ils sont seulement deux républicains – elle et Adam Kinzinger, qui a déjà annoncé qu’il ne briguera pas de nouveau mandat – à siéger à la commission sur le 6-Janvier.

Les séances publiques de cette commission auxquelles nous allons assister au cours des deux prochaines semaines représentent le point d’orgue d’un effort colossal visant à faire la lumière sur un épisode consternant. Les travaux durent depuis près d’un an et quelque 1000 témoins ont déjà été interrogés.

Ce qu’on va y apprendre pourrait être aussi dérangeant que préoccupant.

Mais la question qui tue est celle-ci : les membres de cette commission ne prêcheront-ils qu’aux convertis ? Ceux qui ne jurent que par le catéchisme trumpien depuis une demi-douzaine d’années vont-ils se laisser émouvoir par leurs constats, aussi choquants soient-ils ?

Suivront-ils seulement ses travaux ? On a appris que le réseau Fox News, fidèle à sa réputation, ne va pas les diffuser en direct.

Au baseball, on dirait que la commission sur le 6-Janvier a déjà deux prises contre elle.

Mais si les parlementaires américains ne tenaient pas ces auditions publiques, s’ils ne tentaient pas d’exposer au grand jour les manigances des ennemis de la démocratie, ils contribueraient à la banalisation de ce qui s’est passé.

Accepter sans broncher les pires dérives, c’est se condamner à les voir se répéter.

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