On ne propose pas de bonbons à quelqu’un qui vient de se mettre au régime.

Pourtant, c’est ce que font nos politiciens en offrant à qui mieux mieux des baisses de taxes et d’impôts pour aider les citoyens à digérer l’augmentation du coût de la vie.

Sur le plan économique, c’est parfaitement contre-productif. Nous y reviendrons plus loin.

Mais sur le plan électoral, ça marche ! La réélection de Doug Ford, avec une majorité encore plus élevée qu’à son premier mandat, en a fait la preuve jeudi.

Durant la campagne, le premier ministre ontarien avait annoncé une baisse de la taxe provinciale sur l’essence, une mesure que le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, voudrait d’ailleurs imiter.

Doug Ford avait aussi aboli les frais d’immatriculation, rétroactivement par-dessus le marché, ce qui fait que les automobilistes ont tous reçu un remboursement. Un peu plus et M. Ford se transformait en facteur pour leur livrer personnellement à la maison !

Le premier ministre du Québec n’est pas en reste. Même s’il est largement en tête dans les intentions de vote, François Legault a cru bon de faire miroiter cette semaine un autre chèque pour faire face à la hausse du coût de la vie… mais seulement s’il est réélu le 3 octobre prochain.

De son côté, le Parti libéral prône une réduction de la TVQ sur les produits de première nécessité.

Au fédéral, les candidats à la course à la direction du Parti conservateur, Pierre Poilievre et Jean Charest, ont aussi leur boîte à bonbons. Mais il faudra qu’ils nous expliquent comment ils conjugueront cela avec l’objectif d’assainir les finances publiques, eux qui pestent contre les tendances dépensières de Justin Trudeau, à juste titre.

Évidemment, l’inflation fait mal au budget des familles. Une hausse des prix de 6,8 %, on n’avait pas vu ça depuis 1991.

Où est-ce que ça va s’arrêter ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Le problème, c’est qu’il y en a deux. Et ils volent dans des directions opposées.

D’un côté, la Banque du Canada essaie de freiner l’inflation en haussant les taux d’intérêt. Son taux directeur a grimpé de 1 % à 1,5 % cette semaine et il pourrait atteindre 3 % bientôt.

De l’autre, les gouvernements appuient sur l’accélérateur en envoyant des chèques aux citoyens dont les revenus disponibles sont supérieurs au niveau prépandémique.

En stimulant la demande, les politiciens n’aident pas la Banque du Canada à réussir un atterrissage en douceur, ce qui ne sera pas aisé avec toutes les turbulences à l’horizon : confinement en Chine et problèmes d’approvisionnement, guerre en Ukraine et crise alimentaire en vue…

Ne nous mettons pas la tête dans le sable : les risques de récession sont loin d’être négligeables. Dans ce contexte, on devrait faire preuve d’une saine prudence et éviter la distribution de bonbons à crédit.

Car les gouvernements restent dans le rouge. La pandémie a fait exploser leurs dettes. Et leur niveau de dépenses a augmenté avec le lancement de nouveaux programmes permanents.

Alors que l’économie tourne à plein, il serait plus judicieux de rembourser les dettes pour avoir la flexibilité nécessaire en cas de ressac.

Alors, même si c’est payant politiquement, il vaut mieux laisser tomber les bonbons généralisés, comme le chèque de 500 $ envoyé à 94 % de la population lors du budget du Québec en mars dernier.

Il serait plus sage de s’en tenir à une aide ciblée pour les plus démunis, qui sont frappés beaucoup plus durement par l’inflation. Une aide temporaire, et non pas un allégement fiscal permanent qui privera les coffres de l’État de revenus, même lorsque l’inflation sera revenue sur terre.

C’est ce que Québec avait fait en novembre dernier. C’est ce que le Nouveau-Brunswick vient de faire cette semaine, avec l’annonce d’une aide de 450 $ aux familles à faibles revenus.

Si on cherche des mesures vraiment structurantes, il faut s’y prendre autrement.

Au lieu de réduire les taxes sur l’essence, investissons dans la transition énergétique pour ne pas laisser un déficit environnemental à nos enfants.

Au lieu de distribuer des chèques, investissons dans notre productivité. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui met de la pression sur les salaires, il nous faut plus de technologie et d’équipement si on veut en faire plus avec moins.

Mais à ce chapitre, le Canada est un cancre.

Cette semaine, l’ancien ministre fédéral des Finances Bill Morneau s’est d’ailleurs plaint que les libéraux avaient passé « trop de temps à redistribuer la richesse et pas assez à augmenter la prospérité collective » depuis qu’il avait quitté le navire.

L’un n’empêche pas l’autre. Mais il faut arrêter de donner des bonbons à tout le monde.

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