La pénurie de main-d’œuvre est le pire ennemi de François Legault. Or, depuis son arrivée au pouvoir, le premier ministre rechigne à dégainer sa meilleure arme pour le vaincre : l’immigration.

Pourtant, les données fraîchement extraites du dernier recensement prouvent à quel point l’immigration est notre planche de salut, dans un contexte où le taux de fécondité au Canada n’a jamais été si faible. Il est de 1,4 enfant par femme, alors qu’il en faudrait 2,2 uniquement pour assurer la stabilité de la population.

L’apport des nouveaux arrivants est donc essentiel à la croissance démographique, alors que le vieillissement de la population entre dans une phase critique.

Jamais le nombre de personnes qui approche de la retraite n’a été aussi élevé. Les personnes de 55 à 64 ans, soit la queue du baby-boom, représentent plus d’une personne sur cinq au sein de la population en âge de travailler.

Même si on trouve le moyen de les convaincre de reporter leur retraite le plus longtemps possible, il y aura de moins en moins de bras pour travailler. Et il y aura de plus en plus de services à donner, car le nombre de personnes de 85 ans et plus va tripler d’ici 25 ans.

Ça augure mal. Déjà, les urgences débordent et les services aux aînés craquent. Dans le réseau de la santé, dans les écoles, sur les chantiers de construction… on manque de personnel partout !

D’ailleurs, on apprenait vendredi que le taux de chômage avait atteint un creux historique de 5,2 % au Canada et de 3,9 % au Québec. Les employeurs québécois s’arrachent les cheveux, avec un nombre record de postes vacants.

Il faut donc regarder l’immigration d’un œil neuf plutôt que de s’enliser dans des querelles fédéral-provincial qui ne vont nulle part.

On en a eu un bel exemple, la semaine dernière, lorsque Justin Trudeau a retourné François Legault comme une crêpe, en marge de l’annonce de l’implantation de l’usine de Moderna, à Montréal.

Le premier ministre du Québec réclamait davantage de pouvoir en matière de regroupement familial, une idée fixe de la Coalition avenir Québec (CAQ). François Legault souhaite que la maîtrise du français soit une condition d’entrée pour cette catégorie d’immigrants qui relève d’Ottawa. Il y voit carrément une « question de survie pour la nation québécoise ». Ce n’est pas rien.

Remettons les choses en perspective.

En vertu de l’accord Canada-Québec qui a plus de 30 ans, Québec sélectionne déjà les trois quarts de ses immigrants, principalement des immigrants économiques auxquels il impose ses propres critères, notamment sur la langue.

Québec s’occupe aussi des réfugiés qui arrivent de l’étranger. Ferme-t-il la porte au nez des Ukrainiens sous prétexte qu’ils ne parlent pas français ? Bien sûr que non ! Il est donc naturel de faire preuve de la même humanité dans les cas de regroupement familial.

De toute façon, ces regroupements ne représentent que 20 % de l’immigration au Québec. Et contrairement à ce que certains laissent croire, il ne s’agit pas d’un bar ouvert. Un résident canadien peut uniquement faire venir son conjoint, ses enfants de moins de 22 ans et parfois ses parents s’ils ont assez d’argent.

Alors, pourquoi en faire un plat quand on sait que les immigrants issus du regroupement familial s’implantent bien chez nous puisqu’ils ont déjà des racines ? Ils se retrouvent dans un terreau fertile pour s’intégrer à la culture et apprendre le français, ce qui serait difficile à réaliser, tout seul à l’étranger, avant leur arrivée.

Au lieu de cette chicane de compétences, pourquoi pas un vrai débat sur les seuils d’immigration ?

Élu avec le slogan « En prendre moins, mais en prendre soin », la CAQ a débuté son mandat en réduisant le nombre d’immigrants de 50 000 à 40 000 par année. C’était comme scier la planche de salut de la croissance démographique.

Depuis, le seuil est remonté à 50 000 (sans compter un rattrapage de 18 000 dû à la pandémie). Mais cela ne représente que 12 % des 432 000 immigrants que le Canada accueillera en 2022, une proportion deux fois moins grande que le poids du Québec au sein du pays.

Certains accusent le Canada de vouloir noyer le Québec. Mais il ne tient qu’à la province d’être plus accueillante pour maintenir son poids économique et politique.

Encore faut-il que le fédéral ne lui mette pas des bâtons dans les roues, comme c’est le cas en ce moment. Le goulot d’étranglement est tel que les demandes d’immigrants économiques qui ont déjà été acceptées par Québec mettent 27 mois en moyenne à être traitées du côté fédéral, ce qui est quatre fois plus long que le délai de traitement pour les demandes des autres provinces.

C’est lamentable. Il faut y voir. Et il faut réfléchir sérieusement à un seuil d’immigration acceptable, en tenant compte de la capacité d’intégration et d’apprentissage du français des immigrants qui arrivent au Québec.

Prenons-en plus et prenons-en soin. Sinon le déséquilibre démographique causera encore plus d’ennuis au Québec.

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