Dans le cadre de la Semaine de la santé mentale, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) a lancé une websérie sur les risques psychosociaux en milieu de travail.

Intitulée « Ça va mal à’shop », cette campagne arrive au pire moment, car la FTQ-Construction, l’un des 17 syndicats affiliés à la FTQ, est dans l’embarras. Depuis la commission Charbonneau, sa réputation n’a jamais été aussi entachée. La pente sera difficile à remonter.

La semaine dernière, notre collègue Émilie Bilodeau a révélé que le président de la FTQ-Construction, Rénald Grondin, avait harcelé et agressé une secrétaire administrative durant deux ans alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres inter-provinciaux. Les faits avaient été documentés dans une décision de la Commission des lésions professionnelles en 2012, ce qui n’a pas empêché M. Grondin de gravir les échelons. Nommé président de la FTQ-Construction en 2018, il aurait filé jusqu’à sa retraite, dans une semaine, n’eût été l’enquête de La Presse. Il a été congédié sur-le-champ.

Lisez « Il a gravi les échelons malgré des agressions »

On aurait pu féliciter la FTQ d’avoir réagi promptement si le syndicat ne s’était pas fait tirer l’oreille pour accepter l’idée d’une enquête interne. Il aura fallu beaucoup de pression de la part du ministre du Travail, Jean Boulet, ainsi qu’une motion de l’Assemblée nationale, avant que la FTQ annonce finalement qu’une firme externe allait faire la lumière sur les évènements.

On ne connaît pas encore le nom de la firme ni son mandat exact, mais certaines questions s’imposent : qui savait quoi ? De quelle complicité Rénald Grondin a-t-il bénéficié ? Les langues ont intérêt à se délier…

Pendant qu’on y est, on devrait enquêter sur le climat toxique qui fait en sorte que les femmes se sauvent en courant du milieu de la construction. On estime que 22 % d’entre elles quittent l’industrie après seulement un an. Cette proportion grimpe à 55 % après cinq ans. C’est énorme. De ce nombre, plus du tiers (35 %) disent avoir subi des situations de discrimination liée au sexe ou à l’origine ethnique. Et le quart affirment avoir été victimes d’intimidation ou de harcèlement. Que fait la FTQ-Construction pour protéger ses membres féminins ? Ce serait intéressant de le savoir.

Une fois l’enquête terminée, on s’attend à ce que la FTQ rende publiques les conclusions. Le syndicat devra également s’assurer que sa filiale, la FTQ-Construction, soit accompagnée pour mettre en place des mécanismes afin qu’un tel dérapage ne se reproduise plus. On ne parle pas d’un plan d’action bricolé en catastrophe ou d’un chapelet de belles paroles. On parle de transparence et de reddition de comptes. « Ça va mal à’shop » quand les dirigeants d’un syndicat pensent qu’on vit encore dans les années 1950 !

La crise qui ébranle la FTQ-Construction dépasse les frontières du syndicat et de ses 80 000 membres. Elle éclabousse tout ce qui arbore les trois lettres F-T-Q dans son nom.

Et cela comprend le Fonds de solidarité, le bas de laine de plus de 730 000 Québécois et Québécoises, qui gère un actif de 18,3 milliards. Rappelons que les femmes représentent 45 % de l’actionnariat du Fonds, dont le conseil d’administration compte un représentant de la FTQ-Construction.

« La violence envers les femmes, que ce soit en milieu de travail ou ailleurs, c’est inacceptable et nous la dénonçons », nous a assuré le représentant du Fonds de solidarité. On imagine qu’une institution qui se targue d’avoir des critères éthiques très élevés et qui est de surcroît présidée par une femme ne doit pas apprécier être associée à un syndicat qui, jusqu’à la semaine dernière, était dirigé par un agresseur. On peut également penser que les femmes qui investissent leurs économies dans ce Fonds voudront être rassurées sur la suite des choses.

« Ça va mal à’shop » et il n’y a pas 36 solutions. La FTQ-Construction doit faire un gros ménage. Et sortir les poubelles.

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