Le gouvernement Trudeau a-t-il découvert une recette secrète pour produire du pétrole vert sans générer de gaz à effet de serre ?

C’est ce qu’on se demande en lisant le plan de réduction des émissions de GES publié mardi par le fédéral.

Parce que sans intervention magique, on voit mal comment ce plan permettrait au Canada d’atteindre ses cibles climatiques et, en particulier, de réduire les émissions de son plus grand pollueur : le secteur pétrolier et gazier.

On peut parler d’une déception.

Les incendies de forêt, les inondations et les canicules qui se multiplient chez nous comme ailleurs nous envoient pourtant le message qu’il faut faire mieux.

Certes, il n’y a pas que du négatif dans le document publié par le fédéral. Il a d’ailleurs été assez bien accueilli par plusieurs organisations environnementales. C’est vrai qu’on y retrouve les grandes lignes de ce qui pourrait ressembler à une stratégie.

Le hic, c’est que si vous demandez les détails, on vous répondra : revenez plus tard. Et compte tenu du fait que le Canada a une cible ambitieuse à atteindre pour 2030, on n’a plus ce luxe de l’attente.

Prenons l’exemple du secteur pétrolier et gazier, responsable à lui seul de 26 % des émissions canadiennes. Si vous êtes Justin Trudeau ou Steven Guilbeault et que vous croyez à vos cibles climatiques, c’est le gros morceau auquel s’attaquer. Surtout qu’il s’agit d’un secteur sur lequel vous avez de l’influence. L’autre gros pollueur, le transport (25 % des émissions), est davantage de compétence provinciale.

Pour la première fois, il est mentionné noir sur blanc que les producteurs de pétrole devront réduire significativement leurs émissions. Et pas qu’un peu : d’ici 2030, le fédéral table sur une réduction de 42 % par rapport aux niveaux actuels.

Voir ce chiffre dans un document est une belle avancée. Mais le transformer en réalité est une autre paire de manches. Depuis 2005, les émissions du secteur ont explosé de 137 %. Il faut donc trouver le moyen de lever le pied de l’accélérateur, de freiner, puis de mettre la machine en marche arrière.

Le tout d’ici moins de huit ans, aussi bien dire demain matin.

Comment accomplir un tel tour de force ? C’est là que le bât blesse. Parce que le « plan » contient très peu de détails.

Le fédéral affirme qu’il veut capter davantage de méthane qui s’échappe des puits de pétrole, ce qui est assurément un pas dans la bonne direction. Mais pour le reste, c’est bien maigre.

On mise largement sur des technologies de capture et de stockage du carbone qui sont encore en développement et dont les promesses sont hypothétiques.

Sinon, on compte « travailler avec les partenaires et les parties prenantes » pour établir un plafond sur les émissions du secteur. Pour les détails, revenez d’ici la fin de l’année.

En breffage avec les journalistes, les fonctionnaires ont même dit estimer que cette réduction de 42 % du secteur pétrolier et gazier est compatible avec une hausse de la production de pétrole au pays !

Disons qu’on attend de le voir pour le croire.

« Dans les autres secteurs, les émissions à couper sont aussi importantes, mais aucun descriptif n’est indiqué. Ce sont essentiellement des mesures à venir », note également Pierre-Olivier Pineau, expert en énergie à HEC Montréal, qui juge que le plan n’est « pas crédible ».

Même réaction à l’Institut de l’énergie Trottier. « Je suis tellement déprimé à la lecture de ce plan-là… » nous a lancé son directeur scientifique, le professeur Normand Mousseau, qui note qu’on n’établit pas de lien entre les mesures annoncées et les réductions qu’on fait miroiter.

Ce plan de réduction, nous aurions tellement aimé l’applaudir. Le gouvernement Trudeau avait placé haut la barre. Sa loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité l’oblige à publier des plans réguliers, à fixer des cibles intermédiaires, à effectuer des suivis.

Enfin du sérieux, se disait-on.

C’est d’autant plus décevant.

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