Comment ne pas être à la fois ému, troublé et choqué par l’allocution historique prononcée mardi à Ottawa par le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky ?

Ce chef de guerre improbable est, depuis le début de l’invasion russe, à la hauteur de la situation. Il s’est aussi montré mardi à la hauteur de sa réputation.

Même si on peut certainement comprendre rationnellement l’horreur de la guerre, il reste toujours quelque chose d’insaisissable quand le conflit se déroule à des milliers de kilomètres de nous.

Avec son discours poignant, Volodymyr Zelensky a su nous faire ressentir la souffrance quotidienne de son peuple et nous démontrer sa vulnérabilité.

En l’écoutant, c’était un peu comme si nous étions les témoins directs de la guerre, de sa destruction, de ses atrocités.

Ses mots nous ont permis de ressentir la guerre dans notre chair. Tout à coup, c’est nos villes, nos écoles et nos garderies qui étaient bombardées par l’ennemi.

Les enfants qui meurent sous les bombes pourraient être les nôtres, nous a-t-il fait comprendre.

Il y en a eu 97, déjà, en Ukraine, depuis le début de la guerre.

« J’aimerais que vous ressentiez ce que nous ressentons tous les jours. […] Nous souhaitons vaincre pour vivre », a déclaré le président, avant de soutenir qu’on doit « faire davantage pour stopper la Russie, pour protéger l’Ukraine et pour protéger l’Europe de la menace russe ».

On peut s’attendre à ce que Volodymyr Zelensky prononce un discours similaire ce mercredi à Washington et que son effet soit le même. Son talent de communicateur est indéniable et plus qu’utile en cette ère où la diplomatie se mène tant sur l’internet que sur le terrain.

Aussi, si certains avaient pu se demander à quoi cette invitation lancée par Ottawa au président ukrainien allait servir, la réponse est désormais évidente.

Jamais n’avions-nous pu jusqu’ici prendre conscience de façon aussi saisissante que cette guerre, c’est aussi la nôtre.

Jamais n’avions-nous compris avec une telle clarté que nous sommes tous Ukrainiens.

Jamais n’avions-nous éprouvé avec tant d’urgence le besoin de tout faire pour mettre fin à cette tragédie.

Ce qui est terriblement frustrant, évidemment, c’est qu’on ne peut pas tout faire.

Volodymyr Zelensky a beau avoir plaidé pour une zone d’exclusion aérienne, dans les circonstances actuelles, le Canada et les autres démocraties occidentales ne peuvent pas lui dire oui.

L’initiative serait perçue comme une provocation par le régime russe, puisque l’OTAN, dans un tel cas, devrait abattre les avions de Moscou.

Et qui sait ce que l’escalade qui s’ensuivrait pourrait provoquer ? Une troisième guerre mondiale ? L’utilisation de l’arme nucléaire ?

Tant que Vladimir Poutine ne cherche pas lui-même à élargir ce conflit, se garder de prendre un tel risque est une décision déchirante, mais sage.

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Le plaidoyer de Volodymyr Zelensky ne doit pourtant pas rester lettre morte.

Il doit nous pousser à en faire plus pour l’Ukraine. C’est encore possible.

Ça signifie de nouvelles livraisons d’équipement militaire, notamment pour aider le pays à mieux défendre son ciel et, parallèlement, offrir davantage d’aide aux réfugiés.

Il est crucial, aussi, de continuer de serrer les ouïes au régime de Vladimir Poutine dans le but de lui faire comprendre qu’une solution négociée est pour lui la meilleure des options. De nouvelles sanctions ont d’ailleurs été annoncées par Ottawa avant le discours du président ukrainien (auxquelles la Russie a répliqué en interdisant son territoire aux politiciens canadiens).

N’oublions pas non plus le régime chinois, qui représente pour l’Occident un double défi. Il importe non seulement de lui faire comprendre qu’il ne peut pas prêter main-forte à Moscou sans craindre nos représailles politiques et économiques, mais aussi de le convaincre qu’il peut jouer un rôle diplomatique important avec comme objectif une sortie de crise.

Les applaudissements nourris réservés à Volodymyr Zelensky à Ottawa mardi étaient sincères. Puisse ce soutien mener à d’autres initiatives qui démontreront la valeur de notre solidarité.

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