Le week-end qui arrive marque l’arrivée de la semaine de relâche pour un grand nombre de Québécois. Elle n’aura jamais aussi bien porté son nom. Parce qu’elle sonne le début d’une importante vague de relâchements des mesures sanitaires.

« D’ici le 14 mars, ça se succède rapidement », a observé mercredi en conférence de presse la Dre Marie-France Raynault, de la Direction générale de la santé publique.

En effet. Voir les contraintes sur le point de tomber suscite – avec raison ! – un grand enthousiasme. Mais un tel déconfinement en accéléré comporte aussi sa part de risque. Tant les autorités que les citoyens auraient intérêt à le garder en tête.

Voyons le calendrier.

Dès lundi prochain, le télétravail obligatoire prend fin. Les travailleurs n’auront plus à porter le masque en tout temps au bureau. Les bars rouvriront et les salles de spectacle, les cinémas et les lieux de culte pourront fonctionner au maximum de leur capacité.

Sept jours plus tard, des centaines de milliers d’élèves du primaire et du secondaire laisseront tomber le masque en classe.

La semaine suivante, les pistes de danse et les karaokés ouvriront leurs portes aux fêtards au moment même où l’on remisera le passeport vaccinal (sauf pour les voyages).

À cela s’ajoutent les allègements du fédéral aux frontières.

Soyons clairs : ce déconfinement est légitime et souhaitable. Les lits d’hôpital se libèrent rapidement et le pire de la cinquième vague semble réellement derrière nous. À cela s’ajoute la fatigue pandémique, bien illustrée par le dernier sondage de l’INSPQ⁠1.

Pris séparément, chacun des allègements est justifié. Nous avons nous-mêmes plaidé pour la suspension graduelle du passeport vaccinal, qui a perdu beaucoup de sa pertinence depuis l’arrivée d’Omicron⁠2.

Mais de nombreux experts indépendants se disent inquiets de voir autant de mesures tomber en aussi peu de temps. Et si on a appris quelque chose depuis deux ans, c’est bien qu’on devrait les écouter.

La règle voulant qu’on attende de voir les effets d’un allègement avant d’en permettre un autre a de toute évidence sauté devant l’impatience actuelle. Le gouvernement a bien publié un calendrier de déconfinement graduel. Mais depuis, des assouplissements supplémentaires s’y ajoutent constamment.

Attendre au moins dix jours après la relâche pour enlever le masque au bureau et à l’école, par exemple, aurait été plus prudent.

Avec la fin des tests PCR généralisés, les effets du déconfinement seront plus difficiles à détecter rapidement. Ce n’est pas avec l’évolution des cas, mais directement dans les hôpitaux, à retardement, qu’on risque de les mesurer. C’est quand même la première fois qu’on déconfine dans un tel contexte.

Des éléments sont certes rassurants, comme les estimations selon lesquelles 40 % des enfants ont déjà été en contact avec Omicron et 3 millions de Québécois auraient été infectés pendant la cinquième vague. Cela diminue le bassin de gens à infecter.

Il reste néanmoins un grand nombre de Québécois susceptibles de contracter le virus, et on sait maintenant ce qui se passe s’ils l’attrapent tous en même temps.

Ceux qui n’ont pas encore été infectés sont-ils surtout des gens plus âgés ou plus prudents ? Comment se comporteront-ils face aux allègements ? Que feront-ils pendant la fameuse semaine de relâche, qu’on sait propice aux contacts et aux voyages ? Les modélisateurs jonglent avec de nombreuses variables qu’ils peinent à cerner.

La boule de cristal de l’Agence de la santé publique du Canada suggère en tout cas que les assouplissements pourraient provoquer un important rebond des hospitalisations au Québec⁠3. Et ces projections ne tiennent compte ni des derniers allègements ni du variant BA.2, qui est déjà présent chez nous et qu’on sait plus contagieux.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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L’idée n’est pas de jouer les prophètes de malheur. Il est très probable que tout se déroule bien. Mais ce virus a déjà déjoué nos pronostics optimistes. Et dans l’euphorie de cette descente de l’autre côté de la vague, gardons tout de même un pied pas trop loin du frein, au cas.

Pour les autorités, ça veut dire surveiller la situation de près et réagir au besoin. Pour les citoyens, ça implique de se souvenir que cette épidémie se nourrit de nos contacts et que certains d’entre nous sont encore vulnérables et mal immunisés.

Vivre avec le virus, ça veut aussi dire faire preuve de jugement.

1. Consultez le sondage de l’INSPQ 2. Lisez « Le passeport vaccinal a atteint sa date d’expiration » 3. Consultez des projections de l’Agence de la santé publique du Canada Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion