On se souvient de ces publicités dans lesquelles un joueur de soccer ou une célibataire à la porte d’un bar s’écrasaient contre le mur invisible du passeport vaccinal.

Or, il semble maintenant que ce soit le passeport lui-même qui frappe un mur.

S’il faut en croire les fuites médiatiques, la Santé publique recommandera une suspension graduelle du passeport vaccinal. Les derniers commerces touchés (SAQ, SQDC et magasins à grande surface) seraient les premiers à le voir sauter.

S’agit-il d’un recul ? D’une preuve que cette mesure était malavisée ? D’une abdication devant ceux qui bloquent des ponts et paralysent des villes ?

Non.

Il s’agit simplement d’une évolution dans la lutte contre un virus qui a lui-même beaucoup évolué au fil de ses mutations.

Après deux ans de pandémie, tant Québec qu’Ottawa font leur grand ménage du printemps. On réexamine les mesures sanitaires et on se demande ce qu’on conserve, ce qu’on jette et pourquoi.

Un tel exercice est nécessaire. Et il est normal que le passeport vaccinal en fasse partie.

Les autorités n’ont pas toujours été claires sur l’objectif du passeport vaccinal, mais on peut en énumérer quatre.

  1. Empêcher des éclosions dans certains lieux publics.
  2. Protéger les non-vaccinés… et le réseau hospitalier par le fait même.
  3. Inciter les non-vaccinés à relever la manche.
  4. Offrir une « récompense » aux vaccinés.

Voyons où nous en sommes.

À l’époque du variant Delta, deux doses du vaccin de Pfizer protégeaient à près de 90 % contre une infection. À l’automne dernier, si vous vous trouviez dans un bar, un resto ou un gym, vous pouviez donc considérer que la quasi-totalité des clients n’étaient pas porteurs du virus grâce au code QR exigé à l’entrée.

Bien qu’il soit difficile d’isoler les effets du passeport vaccinal et donc de prouver son efficacité, on a observé une diminution des évènements super propagateurs à l’époque.

Il est vrai que les employés des lieux où le passeport vaccinal est exigé n’ont jamais eu à se faire vacciner, ce qui peut plomber la confiance des vaccinés qui l’utilisent. Il reste qu’on avait alors une base logique permettant de penser que cet outil diminuait les risques.

Aujourd’hui ? C’est beaucoup moins clair. Si la vaccination offre une protection cruciale contre les hospitalisations dues à Omicron, elle est moins efficace contre les infections (à peine 33 %).

La troisième dose augmente cette protection, mais il est impossible d’élargir le passeport vaccinal à trois doses avant plusieurs mois : des millions de Québécois ont contracté la COVID-19 depuis Noël et Québec leur recommande d’attendre entre 8 et 12 semaines pour leur dose de rappel.

En fait, sans passeport vaccinal, ce sont les non-vaccinés qui se retrouveraient le plus en danger de fréquenter les lieux publics. À l’heure de la responsabilisation individuelle, on les exhorte à faire preuve d’extrême prudence.

L’incitation à la vaccination ? Encore ici, il est difficile de démontrer hors de tout doute l’efficacité du passeport vaccinal. On sait toutefois que la vaccination des jeunes, en particulier, s’est accélérée dans plusieurs régions du Québec lorsqu’il a été instauré.

Pour les premières et deuxièmes doses, on peut penser que le passeport vaccinal a livré ce qu’il avait à livrer. Il pourrait représenter un puissant outil pour inciter les Québécois à aller chercher leur dose de rappel. Mais encore une fois, il est impossible d’élargir le passeport à trois doses avant plusieurs mois.

Quant à la fameuse « récompense » pour les vaccinés, on peut arguer qu’elle a déjà été donnée. Surtout que, depuis l’élargissement du passeport vaccinal, bon nombre de vaccinés pestent contre les files qui s’étendent devant les commerces.

On peut éprouver un malaise à suspendre le passeport vaccinal au moment même où des manifestations sauvages réclament son abolition. Mais si on ne doit rien céder aux manifestants, ceux-ci ne peuvent pas non plus nous empêcher de réfléchir. Se braquer dans le statu quo seulement pour ne pas avoir l’air de leur donner raison serait contre-productif.

Le passeport vaccinal a certainement livré des bénéfices au Québec. Il est temps de graduellement passer à autre chose, tout en gardant cet outil dans notre manche au cas où il redeviendrait utile.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion