Il n’y est pas allé avec le dos du stéthoscope cette semaine, le syndicat des omnipraticiens – la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) –, pour dénoncer le projet de loi de Christian Dubé qui vise à faciliter l’accès des Québécois aux médecins de famille.

Il en parle comme d’un « choix politique irresponsable » et d’une « gifle incompréhensible ».

D’une « attaque irréfléchie contre les intérêts des Québécois en matière de soins médicaux », aussi.

Jouons à un petit jeu, si vous nous le permettez.

Inversons les rôles.

Imaginons comment se sentent ceux qui n’arrivent pas à obtenir un rendez-vous avec un médecin de famille alors qu’ils ont un besoin urgent de consulter… N’est-ce pas, chaque fois, une « gifle incompréhensible » ?

Et le fait que plus de 900 000 Québécois sont actuellement inscrits au guichet d’accès à un médecin de famille et attendent d’être pris en charge…

N’est-ce pas une « attaque » contre leurs « intérêts » ?

Si le projet de loi en question (11) était rejeté, comme le réclame la FMOQ, on en resterait à court terme au statu quo.

Ne s’agirait-il pas d’un « choix politique irresponsable » ?

On ne cherche surtout pas à diaboliser les omnipraticiens.

Après deux ans de crise sanitaire, on doit au contraire leur rendre hommage.

N’empêche qu’il y a de quoi ressentir un gros malaise devant la façon dont leur syndicat a tenté de torpiller le projet de loi et de mettre des bâtons dans les roues d’un ministre qui semble de bonne foi lorsqu’il plaide pour une « refondation » du système de santé.

Le portail Clic Santé, mis sur pied pour la campagne de vaccination contre la COVID-19, est d’une simplicité désarmante. Et il fonctionne généralement à merveille.

Pourquoi ne disposerait-on pas d’un site web équivalent pour obtenir un rendez-vous avec un médecin de famille, mais aussi, globalement, pour faciliter l’accès aux services de première ligne ?

C’est un peu l’idée du projet de loi 11, qui a été l’objet de consultations toute la semaine à Québec.

Il prévoit, en ce sens, que les omnipraticiens seront « tenus de se rendre disponibles auprès des personnes assurées par l’entremise du système de prise de rendez-vous mis en place par la Régie de l’assurance maladie du Québec ou d’un système de prise de rendez-vous offert par un autre fournisseur ».

Ça signifie que tous les médecins omnipraticiens vont devoir transmettre au ministre leurs plages horaires de disponibilité. Et que le ministre pourra les partager avec certains gestionnaires dans chacune des régions.

On comprend que ça puisse choquer et effrayer certains médecins.

On comprend aussi que certaines balises seront nécessaires quant à l’utilisation des données. Il ne faudrait pas s’en servir pour mener des « chasses aux sorcières », comme le craint le syndicat des omnipraticiens.

On comprend, enfin, que personne ne veut en venir à une situation où la productivité d’un médecin serait uniquement évaluée à partir du nombre de patients vus chaque heure.

Mais le ministre de la Santé et des Services sociaux semble lui aussi comprendre tout ça. Il s’est d’ailleurs dit prêt à améliorer son projet de loi.

Beaucoup, lors des consultations, ont aussi reproché au projet de loi de ne rien dire sur le besoin de mieux répartir les tâches entre les divers professionnels de la santé qui œuvrent en première ligne.

Un patient qui a besoin d’un rendez-vous ne devrait pas systématiquement être orienté vers un médecin. Ses soins peuvent peut-être être offerts par une infirmière, un travailleur social, un physiothérapeute, etc.

Là encore, on n’assiste pas à un dialogue de sourds.

À Québec, on fait valoir que deux autres projets de loi ont été adoptés au cours des dernières années en lien avec cette préoccupation. Le premier portait sur les infirmières praticiennes spécialisées, le second, sur les pharmaciens.

Et le ministère de la Santé n’a visiblement pas l’intention de s’arrêter là quant à l’amélioration de la gestion de l’offre de services.

Le ministre Dubé a d’ailleurs été séduit par le projet d’accès à la première ligne du Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent.

Dès la première prise de contact, on y évalue les besoins de patients afin de les acheminer vers le professionnel de la santé le plus approprié. Et dans 50 % des cas, ce n’est pas un médecin !

Cela dit, mieux répartir les tâches entre les divers professionnels ne suffira pas non plus.

D’autres chantiers sont cruciaux, comme nous l’avons déjà écrit. Il faut moins de bureaucratie et davantage de télémédecine, par exemple. Et surtout, il est urgent de revoir le mode de rémunération des omnipraticiens.

LISEZ l’éditorial de Stéphanie Grammond « Un médecin ? Trivago ! »

En somme, avec son projet de loi 11, ce n’est pas une baguette magique que le ministre Dubé brandit.

C’est simplement l’un des nombreux remèdes à administrer à un patient – le système de santé – qui est malade depuis trop longtemps.

On aurait tort de s’en priver.

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