Est-ce à cause de la vague de chaleur, de la fièvre du hockey ou de l’allégresse du déconfinement ? Toujours est-il que le récent rapport de la vérificatrice générale du Québec a créé peu de remous, malgré les constats accablants pour l’industrie de la construction.

Il est clair que les licences accordées par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) aux entrepreneurs sont bourrées de vices cachés. Et ce sont les consommateurs qui en paient le prix.

Mais à Québec, on minimise le problème. Quand la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, a lu le rapport, elle s’est dit : « Woups, attends minute, il y a quelque chose là-dedans qui allume des lumières », a-t-elle expliqué à l’Assemblée nationale.

Des lumières ? C’est peu dire. Faisons le tour du propriétaire pour vous en convaincre…

Pouvez-vous répéter la question ?

Depuis 2008, la RBQ utilise à répétition les examens qui permettent d’obtenir une licence. Les risques sont donc élevés que les candidats connaissent les questions à l’avance, ce qui en fait une évaluation bidon. La Régie fait parfois repasser exactement le même test à des candidats qui ont coulé. Franchement !

Il faut dire que la RBQ planche sur un nouveau système de gestion informatisé des examens qui devrait être prêt à l’été 2022. Ce ne sera pas trop tôt.

Peu d’inspections, pas de formation

La RBQ fait peu d’inspections : en trois ans, à peine 7 % des entrepreneurs généraux et 12 % des entrepreneurs spécialisés ont reçu de la visite sur un chantier. Même lorsqu’un entrepreneur commet des bourdes en série, l’inspecteur exige seulement un correctif, sans s’assurer qu’il améliore ses pratiques.

À partir d’avril 2022, les entrepreneurs devront faire de la formation continue. Une belle innovation… sauf que 32 000 entrepreneurs ne seront pas visés. Tant qu’à agir, il ne faut pas y aller à moitié.

La faille du résidentiel

Du côté résidentiel, c’est pire : un grand nombre d’entrepreneurs passent sous le radar de la Régie, notamment dans le terrassement, l’excavation, l’isolation, les portes et fenêtres, les toitures… Pas d’examen des compétences en construction. Pas d’inspection de chantier. Pas de formation à partir d’avril 2022. Zéro supervision !

Ces travaux posent moins de risque pour la sécurité physique, plaide la RBQ. Peut-être. Mais quand les travaux sont bâclés, les clients subissent de lourds préjudices financiers.

La main gauche ne sait pas ce que fait la main droite

À la Régie, l’information est éparpillée, les bases de données ne se parlent pas et les entrepreneurs douteux tombent dans les craques du plancher. Jugez vous-même…

Entre 2018 et 2020, un groupe d’entreprises ayant le même répondant a reçu pas moins de 15 avis de non-conformité, 3 plaintes, 31 réclamations et 4 poursuites civiles.

Huit licences ont été annulées, dont trois pour cause de faillite. Mais le répondant a fini par quitter de son propre chef ses autres entreprises qui avaient conservé leur licence durant tout ce temps. Jamais la Régie n’avait bronché. Outch ! Il est urgent de mieux protéger le public.

Vous êtes un bandit ? Cochez ici.

Dans la foulée de la commission Charbonneau, les règles d’attribution d’une licence de la RBQ ont été renforcées pour lutter contre la criminalité dans la construction. Mais encore aujourd’hui, la Régie ignore qui se trouve vraiment derrière certaines entreprises. Avant d’accorder une licence, elle se fie aux déclarations des entrepreneurs – comme si un criminel allait lever la main –, au lieu de vérifier systématiquement les antécédents. Et parfois, la Régie dort au gaz. En 2020, par exemple, la Sûreté du Québec l’a informé qu’un dirigeant avait été déclaré coupable de complot, rapporte la VG. Un an plus tard, sa licence était toujours active. Ça fait peur !

Les consommateurs le nez à l’eau

Une fois sur deux, les consommateurs lésés par leur entrepreneur écopent des pertes financières – souvent de plus de 10 000 $ – parce que le cautionnement fourni à la RBQ est insuffisant. Il faudrait songer à relever le plafond. Et aussi à étirer le délai de réclamation qui est actuellement d’un an, car les problèmes sont souvent découverts plus tard, notamment pour les toitures.

Un vrai registre, pas un gruyère

Si au moins, les consommateurs pouvaient faire leurs devoirs comme il faut. Mais non ! Le registre de la RBQ où ils peuvent s’assurer que leur entrepreneur possède bel et bien une licence ressemble à un gruyère. Plein de trous. Impossible de savoir le nombre de réclamations au cautionnement dont l’entrepreneur a fait l’objet, le nombre de non-conformités décelées durant des inspections, etc. Il est prioritaire d’offrir aux Québécois un registre digne de ce nom. Et s’assurer qu’il soit largement connu du public.

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Tous ces problèmes soulevés par la VG démontrent que ça ne tourne pas rond à la Régie du bâtiment. Avec des entrepreneurs aussi peu encadrés, il n’est pas surprenant que l’industrie de la construction se classe en quatrième position du triste palmarès des plaintes à l’Office de la protection du consommateur (OPC).

Pour éviter que tous ces dossiers viennent encombrer les tribunaux, Québec devrait agir en amont et donner un sérieux tour de vis à la RBQ. Les entrepreneurs doivent être mieux encadrés pour sortir les pommes pourries qui empoisonnent la réputation de l’ensemble de l’industrie. Et surtout, pour que les clients dorment sur leurs deux oreilles.

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