Sur la carte routière du déconfinement, le 28 mai a marqué le début de la fin de pandémie. Après 14 mois de lutte, il y a de quoi célébrer, comme le premier ministre François Legault qui inaugurait fièrement la réouverture d’une terrasse de la rue Laurier, vendredi après-midi, à Montréal.

D’accord, d’accord : Santé !

Mais comme il reste encore du chemin à parcourir, restons vigilants pour ne pas rater la sortie. Personne n’a envie de faire marche arrière, comme on le voit en ce moment dans des pays les plus avancés en matière de vaccination qui ont pourtant du mal à contenir une remontée des cas de COVID-19.

Au Royaume-Uni, par exemple, 57 % des sujets de la Reine ont reçu une première dose, pratiquement le même niveau qu’au Québec. Or, le nombre de cas a doublé depuis une semaine, en bonne partie à cause du variant B.1.617, dit variant indien, qui est désormais dominant. Le premier ministre Boris Johnson craint d’avoir à décaler la levée des dernières mesures de confinement prévue le 21 juin. Et la France a même annoncé, mercredi, de nouvelles restrictions pour les voyageurs d’outre-Manche.

Aux Seychelles, près des deux tiers (64 %) de la population a reçu deux doses de vaccin, ce qui fait de cet archipel de l’océan Indien le pays le plus vacciné du monde. Pourtant, la pandémie a repris de plus belle à la mi-mai et le nombre de cas y est proportionnellement plus élevé qu’en Inde.

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Ces exemples démontrent que le Saint-Graal de l’immunité collective est plus difficile à atteindre qu’on le pensait. Les experts estiment maintenant qu’il faudra de 80 à 90 % de la population vaccinée pour mettre le virus en échec.

Et vaccinée avec deux doses. Car la première ne fait pas tout le travail.

Selon les dernières études en provenance du Royaume-Uni, la protection après une seule dose oscille entre 50 % et 70 %, avec une efficacité moins grande pour les personnes âgées. Ce n’est qu’après la deuxième dose que la protection grimpe autour de 90 %.

Alors il ne faut pas pécher par excès de confiance malgré le succès de la campagne de vaccination au Québec. La première dose ne doit pas donner un faux sentiment de sécurité, en particulier aux grands-parents qui ont si hâte de faire des câlins à leurs petits-enfants.

Pour protéger les plus vulnérables, il est d’ailleurs crucial d’accélérer la vaccination des personnes âgées vivant à domicile qui n’ont pas encore reçu leur deuxième dose, contrairement à ceux qui vivent en CHSLD.

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Mais la vaccination n’est pas la seule façon de contenir l’épidémie.

Le succès du déconfinement repose en grande partie sur le respect des mesures sanitaires. Alors que les contacts sociaux vont augmenter, il faut garder en tête que le pire ennemi, c’est nous. D’où l’importance de favoriser les rassemblements extérieurs, à l’été, en respectant deux mètres de distance.

Mais de son côté, le gouvernement doit aussi être plus proactif, en utilisant davantage d’indicateurs précurseurs plutôt que des indicateurs retardataires, comme c’est le cas en ce moment.

Bien sûr, il est pertinent de mesurer le nombre de lits occupés aux soins intensifs. Mais cette variable donne le portrait des malades qui ont été contaminés il y a plusieurs jours et qui ont développé des complications graves.

Pour agir en amont, le plan de déconfinement devrait intégrer l’utilisation des millions de tests de dépistage rapides qui dorment dans des entrepôts. Les employeurs les réclament. Mais le gouvernement hésite encore. Non, l’outil n’est pas parfait, mais il permet de repérer les personnes les plus contagieuses, avant qu’elles ne fassent des ravages.

Voilà une arme simple qui pourrait être utile non seulement en milieu de travail, mais aussi dans les régions touristiques, comme la Gaspésie et Charlevoix, qui recevront bientôt un flot de touristes du Québec et du reste du Canada.

Le gouvernement devrait aussi envisager l’utilisation de tests d’eaux usées qui permettent de détecter le virus que les gens ont éliminé et d’identifier des éclosions de cinq à sept jours avant que le problème ne se répande comme une tache d’huile.

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L’épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique nous enseigne que les derniers mois de lutte contre une épidémie sont les plus pénibles.

Chaque fois qu’on croit que le virus a disparu pour de bon, une nouvelle éclosion surgit. Et tout est à recommencer. Mais il est difficile de garder sa motivation lorsqu’on est essoufflé par l’effort, qu’on approche de la ligne d’arrivée et qu’on a hâte de crier victoire.

La population va de fausses joies en déceptions, à bord de montagnes russes émotives.

Si on veut éviter ce tour de manège, il faut monter la garde sans relâche. Installer des sentinelles – tests rapides, tests d’eaux...

Le plan de déconfinement qui s’amorce est graduel et conditionnel. Cet été, ne brûlons pas les étapes, ne dépassons pas la limite de vitesse. C’est le meilleur moyen de préparer une belle rentrée en septembre prochain. Et non pas une quatrième vague.

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