Faut-il une nouvelle enquête publique sur la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault ?

La question est au cœur des débats qui ont lieu à Québec cette semaine, dans la foulée du dépôt du rapport explosif de la protectrice du citoyen au sujet de l’impact de la première vague de la pandémie dans les CHSLD.

Dans la foulée, aussi, de ce qu’on a entendu récemment dans le cadre de l’enquête publique présidée par la coroner Géhane Kamel sur la gestion de la COVID-19 dans certains milieux d’hébergement pour aînés.

Tant les constats de la protectrice du citoyen que les contradictions soulevées lors des audiences menées par Mme Kamel ont poussé les partis de l’opposition à se mobiliser pour une nouvelle enquête.

L’idée, essentiellement, serait de créer une commission d’enquête publique avec un mandat plus large.

C’est la gestion de la pandémie au grand complet qui serait examinée, et non plus seulement le « cafouillage sanitaire et administratif » (ce sont les mots de la protectrice du citoyen) dans les CHSLD.

Il s’agirait, il est important de le préciser, d’une… cinquième enquête.

Car la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, se penche aussi sur les lacunes liées à la gouvernance du système de soins et services aux aînés. Son rapport final sera rendu public au cours des prochaines semaines.

Et n’oublions pas le Vérificateur général, qui a choisi d’enquêter pour sa part sur près d’une dizaine de sujets liés à la pandémie : des équipements de protection individuelle aux mesures d’aide aux entreprises, en passant par l’accessibilité aux services en santé mentale.

Donne-t-on, alors, dans la surenchère lorsqu’on réclame une autre enquête ?

L’opposition n’est évidemment pas neutre. Face à un gouvernement téflon qui menace de s’emparer d’une centaine de sièges à l’Assemblée nationale aux prochaines élections, elle voit une occasion en or de marquer des points politiques, au détriment de la CAQ.

Mais cette demande n’est pas uniquement partisane. Il reste, effectivement, des zones d’ombre à éclairer.

Notre équipe éditoriale a déjà réclamé une telle enquête, qui permettrait d’obtenir une vision d’ensemble des ratés du système.

Depuis, des choses ont changé, c’est vrai.

Nous nous inquiétions notamment du manque de retentissement des enquêtes en cours – le rapport d’étape de la protectrice du citoyen publié l’an dernier, par exemple, n’avait pas eu l’effet d’un électrochoc. Sur ce point, nous sommes désormais rassurés.

Nous redoutions aussi que des témoins clés ne soient pas interrogés publiquement. C’est maintenant chose faite, dans le cadre de l’enquête présidée par Mme Kamel. Certains vont même comparaître de nouveau, a-t-on appris mercredi.

Mais il reste des points d’interrogation et des incohérences, comme on a pu le constater pendant les audiences, par exemple lors des témoignages de la ministre Danielle McCann et de la sous-ministre Natalie Rosebush.

Il y a également certains enjeux qui n’ont pas été abordés parce que cela ne figurait pas de façon explicite dans le mandat des responsables des enquêtes. La vision globale tant souhaitée manque donc encore à l’appel.

Qu’en est-il, par exemple, des choix et du fonctionnement de la Santé publique depuis le début de la crise (et de ses interactions avec le politique) ? Comment peut-on l’améliorer et tirer des leçons de ses faiblesses et de ses défaillances ?

Une enquête publique additionnelle demeure ainsi une riche idée.

Ce qui s’est passé dans les CHSLD au Québec lors de la première vague est aussi atroce que scandaleux.

En revanche, il ne suffit pas de braquer les projecteurs uniquement sur les problèmes les plus évidents, il faut allumer toutes les lumières pour s’assurer qu’on ne laisse pas de zones d’ombre.

Avertissement : il ne faudrait toutefois pas se lancer dans une chasse aux sorcières.

Rappelons d’ailleurs que la protectrice du citoyen, qui ne met pas de gants blancs dans son rapport, a pris soin de souligner l’importance du « caractère inédit d’une pandémie mondiale ». Quant à nos attentes à l’égard de la gestion de la crise, il faut ajouter d’autres circonstances atténuantes : le réseau craquait déjà de toutes parts.

Ultime mise en garde : ne perdons pas de temps à reprendre le (coûteux) travail qui est en train d’être (bien) fait au sujet des milieux d’hébergement pour aînés.

Pour cette nouvelle enquête, il serait par ailleurs impératif de trouver une formule qui éviterait de paralyser partiellement le ministère de la Santé et des Services sociaux, vraisemblablement pendant quelques années.

La protectrice du citoyen l’a dit mardi : le plus crucial, à l’heure actuelle, c’est de mettre en œuvre ses recommandations.

Mais lorsque les résultats des enquêtes de Mme Kamel et de la commissaire à la santé seront connus, il faudra bien trouver une façon de compléter le portrait.

D’explorer avec soin tous les chemins qui ont mené aux erreurs commises, de façon à éviter de les répéter à l’avenir.

Une nouvelle enquête, ciblée, nous apparaît comme le meilleur moyen d’y arriver.

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