Résumons. On sait que le taux de participation aux élections municipales est toujours désespérément bas. Les autorités se cassent la tête depuis des années pour tenter d’intéresser les citoyens à la démocratie municipale.

On sait aussi que la culture québécoise est fragile et que l’attrait de la musique anglophone est difficile à contrer. Le gouvernement Legault a d’ailleurs débloqué 259 millions pour créer des « espaces bleus » faisant la promotion de notre culture.

Bref, on fait l’impossible pour intéresser les citoyens à la fois à la culture et à la politique québécoises.

Malgré cela, dimanche soir, les téléspectateurs ont été confrontés à un choix qui n’aurait jamais dû se présenter. Ils pouvaient suivre soit la grand-messe politique en syntonisant la soirée électorale municipale, soit la grand-messe culturelle en regardant le gala de l’ADISQ.

Il fallait choisir entre Patrice Roy et Louis-José Houde. Entre Valérie Plante et Klô Pelgag. Ou alors zapper entre les deux en manquant la moitié de chaque évènement. C’est problématique.

Ceux dont le cœur penche vers la scène musicale ont raté une soirée électorale riche en émotions. On pense au revirement spectaculaire à Québec, où Marie-Josée Savard a erronément été déclarée gagnante par les médias avant de subir une défaite crève-cœur. On pense aussi à l’élection de nombreuses femmes et de nombreux jeunes partout au Québec, dont une mairesse d’à peine 21 ans à Chapais. Ou au match-revanche sous haute tension de Valérie Plante et de Denis Coderre à Montréal.

De quoi donner le goût de suivre la politique à certains citoyens.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR L’ADISQ

Klô Pelgag sur scène pendant le gala de l’ADISQ, dimanche soir

De leur côté, ceux qui ont suivi la joute démocratique ont raté le couronnement de Klô Pelgag, qui a égalé un record de Céline Dion en remportant 13 Félix cette année. Ils ont raté le défilé d’artistes québécois de tous genres – autochtone (Anachnid), musique électronique (CRi), hip-hop (Connaisseur Ticaso), country (Alex Burger).

De quoi faire des découvertes, acheter un album de chez nous et contribuer à faire vibrer la culture québécoise.

On dira qu’il est facile de rattraper un visionnement ou l’autre. Sauf que dans les deux cas, le suspense de savoir qui gagne fait partie intégrante du plaisir de suivre ces évènements en direct.

Il y a 52 dimanches en 2021. Pourquoi diable avoir visé en plein celui des élections municipales pour programmer le gala de l’ADISQ ?

« Le Gala est toujours présenté dans la dernière semaine d’octobre ou la première de novembre », nous répond l’ADISQ. Cette année, c’était donc soit pendant l’Halloween, soit pendant les élections municipales. Les artistes étant moins disponibles à l’Halloween, on a choisi la soirée électorale.

Cette réponse peu convaincante montre bien que l’ADISQ n’a pas fait de grands efforts pour éviter la confrontation entre les élections municipales et son grand gala annuel. Ce dernier aurait très bien pu se tenir deux ou trois semaines plus tôt ou plus tard qu’à l’habitude sans que la Terre s’arrête de tourner. Surtout que la date des élections municipales était connue depuis longtemps.

L’ADISQ aurait intérêt à faire un examen de conscience puisque la même situation risque de se reproduire dans quatre ans. Surtout que ça ne semble pas très bien la servir. Les cotes d’écoute du gala ont fortement chuté cette année pour atteindre 677 000 téléspectateurs (contre 234 000 à LCN et 225 000 à RDI pour les soirées électorales).

Voir le gratin des artistes québécois se donner des trophées pendant qu’on apprend l’identité des 1102 mairesses et maires du Québec n’est certes pas dramatique, mais ça envoie néanmoins un mauvais signal. Un signal qui contribue au climat d’indifférence et de désintérêt croissant envers la politique municipale.

Cette année encore, le taux de participation aux élections municipales est décourageant. Malgré les sondages qui laissaient présager une course de tous les instants entre Valérie Plante et Denis Coderre, à peine 38 % des électeurs à Montréal se sont rendus aux urnes, encore moins qu’il y a quatre ans. Les chiffres pour l’ensemble de la province ne sont pas encore finaux, mais ils ne s’annoncent guère plus réjouissants.

Il n’est pas simple de trouver des moyens de rehausser l’intérêt pour les élections municipales. Mais on pourrait au moins commencer par éviter de se tirer dans le pied.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte affirmait erronément que 1802 maires et mairesses avaient été élus lors des élections municipales. Le chiffre correct est 1102.

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