Le pire ennemi de François Legault est à la fois extrêmement prévisible et pratiquement impossible à vaincre.

Ne le cherchez pas à l’Assemblée nationale. Il n’était pas assis sur les bancs de l’opposition pendant que le premier ministre prononçait son discours d’ouverture de la nouvelle session parlementaire, mardi.

Mais cet ennemi invisible va mettre de sérieux bâtons dans les roues de tous les projets que la Coalition avenir Québec veut lancer, comme autant d’amuse-gueules destinés à mettre la table pour les élections prévues le 3 octobre 2022.

À 12 mois du scrutin, la campagne est donc officieusement lancée.

Au programme, beaucoup de chantiers. Mais pour les réaliser, il faut des bras. Et ça, le Québec en manque. Peu importe le domaine, le premier ministre doit se battre contre la démographie, un adversaire qui ne rendra pas les armes de sitôt.

Au contraire, le vieillissement de la population va s’accélérer au cours de la prochaine décennie, qui verra partir à la retraite les derniers baby-boomers. En 2031, un Québécois sur quatre aura plus de 65 ans, par rapport à un sur six en 2011.

Attendez de voir la pression sur le système de santé tout à l’heure !

Déjà, le gouvernement s’embourbe à cause de la pénurie de personnel : ruptures de services dans les hôpitaux, liste d’attente record pour un médecin de famille, manque de spécialistes en santé mentale…

Justement, Le Devoir nous apprenait, mardi, que plus de 19 000 personnes restent sur la liste d’attente de services de psychothérapie dans le réseau public. Rien ne bouge malgré le plan d’urgence et l’investissement de 100 millions annoncé par le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, il y a un an.

Et voilà que François Legault annonce un nouveau plan d’action en santé mentale, dès cet automne, qui portera une attention particulière aux jeunes. On croise les doigts pour que ça marche. Mais on ne peut pas cloner les psys non plus.

Même défi dans les garderies. Québec, qui n’a toujours pas rempli ses engagements électoraux, promet maintenant de créer rapidement les 37 000 places manquantes. Parfait. Mais où prendra-t-il les éducatrices ?

Le métier est boudé par les étudiantes. Et celles qui le pratiquent sont en grève. Pour éviter l’exode, Québec vient d’ailleurs de leur accorder une hausse de salaire substantielle, avant même l’issue des négociations, un geste rarissime et très bienvenu.

À la Direction de la protection de la jeunesse, la pénurie est encore plus criante. Les intervenants, épuisés, quittent le navire, tandis que le nombre d’enfants en attente atteint un sommet. Une fillette frappée à coups de ceinture, des frères laissés seuls sans nourriture… en attente depuis deux mois, rapportait notre collègue Katia Gagnon, la semaine dernière. C’est à pleurer.

Mais la pénurie de main-d’œuvre frappe aussi le secteur privé. Pour régler véritablement la crise du logement, par exemple, il faudrait construire, encore et encore. Mais bonne chance pour trouver des travailleurs.

La pénurie freine aussi le secteur manufacturier et les services. Rappelez-vous l’été dernier : des détaillants en manque de personnel voulaient que Québec décrète la fermeture des commerces le dimanche, une fausse bonne idée qui aurait malheureusement laissé le champ libre aux géants du web.

Ancien homme d’affaires, François Legault ne cache pas sa sympathie pour les patrons à court d’employés. Mais il s’entête à refuser de hausser les seuils d’immigration.

Forcément, il devra redoubler d’efforts en matière de productivité et de formation. Et mettre les bouchées doubles pour convaincre les travailleurs d’expérience de reporter leur retraite. Tout faire aussi pour s’assurer de l’intégration sur le marché du travail des personnes handicapées, des membres des communautés culturelles, des Autochtones…

À une autre époque, l’ennemi numéro un était le chômage. Aujourd’hui, c’est la pénurie de main-d’œuvre. Au lieu de promettre des emplois comme Robert Bourassa, François Legault promet des travailleurs. Reste à voir où il va les dénicher.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion