Référendum. Ce n’est pas avec ce mot qu’on attirera les électeurs qui ont tout sauf envie de revoir ce vieux film. Et pourtant plusieurs référendums sont actuellement de retour à l’affiche.

Cette semaine, l’ancien joueur des Alouettes et candidat à mairie, Balarama Holness, s’est engagé à faire un référendum pour donner un statut de ville bilingue à Montréal. De son côté, le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney va réaliser une promesse électorale en organisant, lundi prochain, un référendum pour mettre fin à la péréquation, rien de moins.

Oubliez le suspense. On sait d’avance que tout cela ne changera absolument rien.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Balarama Holness, chef de Mouvement Montréal

Dans les deux cas, les politiciens souhaitent utiliser le processus démocratique uniquement pour créer un pouvoir de négociation auprès du palier de gouvernement supérieur qui est le seul à contrôler les commandes sur ces enjeux.

Et au bout du compte, à Montréal comme en Alberta, l’exercice risque seulement d’attiser les frustrations et de polariser encore plus les citoyens.

Holness et le français

Avant d’aller plus loin, mettons une chose au clair. Les menaces de mort anonymes reçues par M. Holness sont lâches et répugnantes. Toute cette haine qui pollue les médias sociaux ne peut que dissuader les candidats de se lancer en politique.

Faute d’opposition, plus de la moitié des maires du Québec ont déjà été réélus par acclamation, avant même les élections du 7 novembre. On dénombre même 11 villages sans candidat à la mairie, deux fois plus qu’aux dernières élections municipales.

Une démocratie saine ne peut pas se passer des acteurs clés.

Mais revenons à ce référendum qui sort de nulle part. En fait, cette idée saugrenue ressemble plus à une manière de camoufler la dissension flagrante en matière linguistique au sein de Mouvement Montréal dont la fusion surprise avec Ralliement pour Montréal ne colle pas.

Deux partis, deux solitudes.

De toute manière, Montréal n’a pas le pouvoir de changer son statut linguistique, puisque les municipalités sont des créatures du gouvernement du Québec.

Or, les débats entourant l’actuel projet de réforme de la loi 101 ont prouvé qu’il existait un consensus afin de mieux protéger la langue française. L’idée de retirer à Montréal, locomotive de la province, son statut de ville francophone serait donc anachronique.

Au final, un tel référendum ne ferait que creuser le fossé politique déjà assez large entre la métropole et le reste du Québec.

On a besoin de cohésion, pas l’inverse.

À l’heure de l’Alberta

En Alberta aussi, le scénario est connu d’avance. Même si les citoyens se prononçaient pour le retrait de la péréquation de la Constitution de 1982, Jason Kenney lui-même sait très bien que cela n’aura jamais lieu, car la péréquation est une créature fédérale.

Le premier ministre veut surtout se donner un levier pour forcer Ottawa à modifier la formule que bien des Albertains trouvent injuste, sans vraiment la connaître.

Ils ont peut-être oublié que la formule actuelle avait été adoptée par nul autre que Stephen Harper, un premier ministre de Calgary, qui avait dans son cabinet un ministre du nom de Jason Kenney. Et les changements étaient fondés sur les recommandations d’un groupe d’experts dirigé par Al O’Brien, un Albertain pur jus.

Bref, la péréquation repose sur une formule « made in Alberta ».

Son objectif est de permettre à l’ensemble des provinces d’offrir des services publics comparables, un principe d’équité qui existe dans bien d’autres fédérations comme l’Australie et l’Allemagne.

Si l’Alberta n’a jamais touché un cent de péréquation depuis 1964, c’est tout simplement parce qu’elle est la province la plus riche du Canada. Et ce, encore aujourd’hui malgré la crise profonde causée par la chute du prix du pétrole, il faut le reconnaître.

Péréquation et microchirurgie

En essayant de revoir la formule de la péréquation, on cherche une solution technique à un problème politique. Au lieu d’essayer de faire de la microchirurgie, il est préférable de s’en tenir à une formule simple, essentiellement fondée sur le PIB par habitant.

Car en modifiant les paramètres, on n’arrive pas toujours au résultat escompté. Dans le passé, le fédéral a instauré un plancher et un plafond à la péréquation. Son objectif était de limiter les versements qui étaient alors gonflés par le prix du pétrole élevé. Mais depuis que le prix est tombé au fond du baril, c’est plutôt le plancher qui s’applique, ce qui a mis du sel sur les plaies de l’Alberta.

Pour l’instant, les Albertains sont davantage préoccupés par la gestion de la pandémie qui mine la popularité de Jason Kenney… et par l’autre référendum, à savoir si la province devrait garder la même heure toute l’année.

Tellement plus concret !

Reste que le résultat du référendum sur la péréquation aura canalisé la frustration des Albertains qui seront plus en colère que jamais lorsqu’ils frapperont un mur à Ottawa.

Même si la récente remontée du prix du pétrole aura l’effet d’un baume en Alberta, il ne vaut pas perdre de vue que la transition énergétique reste en trame de fond. Elle ne se fera pas sans coûts. Et l’Alberta risque d’en payer le prix.

Si on veut une vraie conversation nationale, il faut cesser les dialogues de sourds pour garder la cohésion dans un Canada plus divisé que jamais.

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