La Caisse vient de faire un pas de géant dans la lutte contre les changements climatiques.

Elle est devenue mardi le premier investisseur institutionnel majeur au pays qui tourne complètement le dos à la production de pétrole. Gros bémol de huit milliards de dollars : on garde le gaz naturel et les pipelines.

Parmi ses pairs au Canada et aux États-Unis, la Caisse de dépôt et placement du Québec est à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques. Son empreinte carbone est moins élevée que celle du fonds ontarien Teachers », qui a aussi des objectifs ambitieux (note 1). Les annonces de mardi confirment que la Caisse veut continuer d’être un leader environnemental.

Il faut donc applaudir. Sans offrir tout de suite une ovation.

Car le bas de laine des Québécois n’a fait que le tiers du chemin. Autant pour sortir des hydrocarbures que pour devenir carboneutre, l’objectif ultime qu’il ne faut pas perdre de vue.

En sortant de la production pétrolière, la Caisse envoie un message fort. Mais un peu prévisible, si on veut être honnête.

Depuis quatre ans, le bas de laine des Québécois avait vendu la moitié de ses investissements dans la production de pétrole. Il poursuivra donc sur sa lancée en vendant ce qui lui reste (4 milliards de dollars, soit 1 % de son portefeuille total) d’ici la fin de l’année 2022.

Il aurait pu le faire avant. Mais les titres pétroliers ont été malmenés au début de la pandémie. En 2021, les investisseurs se sont refaits sur ces titres (ex : le titre de Suncor s’est apprécié de 59 % depuis un an).

C’est un bon moment pour vendre.

En même temps, la Caisse choisit de garder ses investissements dans le gaz – « une énergie de transition », dit le PDG Charles Émond – et dans les oléoducs – l’économie en a encore besoin, explique-t-on. (La Caisse n’investira pas dans de nouveaux projets de pipelines et de gaz.)

On ne sera pas dans la production de pétrole, mais on va garder nos pipelines ? Vous avez raison d’être mêlé.

Malgré ses vertus vertes, la Caisse n’est pas un militant environnemental. Elle calcule les choses froidement – comme le fait souvent un investisseur. Et elle estime que les rendements dans la production de pétrole ne seront pas intéressants à long terme. Depuis 30 ans, les indices boursiers ont donné des rendements de 14 % par an, contre seulement 3-4 % par an pour le secteur pétrole/gaz, selon le PDG Charles Émond. Par contre, le gaz et les pipelines offrent de meilleures perspectives de rendement à long terme.

Autre facteur ayant pesé dans la balance : la production de pétrole représente 1 % du portefeuille (quatre milliards), mais les pipelines et le gaz en représentent 2 % (huit milliards).

On sort donc seulement au tiers des hydrocarbures.

Si la Caisse vendait demain matin tous ses titres pétroliers, gaziers et ses pipelines, ça nous donnerait bonne conscience.

Mais ça ne changerait pas grand-chose pour la planète si on ne diminuait pas l’empreinte carbone du reste du portefeuille de la Caisse, qui compte pour environ 85 % de son empreinte carbone.

Voilà pourquoi l’objectif le plus important de la Caisse est de devenir carboneutre – zéro émission de CO2 – en 2050. Et à plus court terme, de réduire de 60 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2017.

Comparons-nous un instant : Teachers’ vise aussi la carboneutralité en 2050, mais la caisse de retraite des employés de l’État de New York, qui vient de vendre pour sept milliards US de titres pétroliers, vise 2040.

En 2017, les investissements de la Caisse généraient 79 tonnes de CO2/million de dollars investi. L’empreinte carbone a diminué de 38 % en 2020. La Caisse a donc parcouru un peu plus du tiers du chemin. Les deux derniers tiers seront les plus difficiles.

La sortie de la production de pétrole est un pas de géant. Mais la Caisse devra en faire plusieurs autres pour atteindre ses objectifs ultimes – nos objectifs ultimes – : la carboneutralité.

Note 1 : Pour l’année 2019 (la dernière année disponible chez Teachers »), l’empreinte carbone du portefeuille de Teachers’ est de 79 tonnes de CO2/million de dollars investi, contre 63 tonnes de CO2/million de dollars investi pour la Caisse.

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