Depuis le tout de la campagne, certains renvoient dos à dos les conservateurs et les libéraux dans le dossier de la lutte contre les changements climatiques.

C’est notamment le cas du chef du NPD, Jagmeet Singh. Il dit ne pas pouvoir départager les deux partis. Le raisonnement va ainsi : parce que le bilan des libéraux n’est pas assez reluisant, leurs promesses ne valent rien.

Mais, disons-le, les libéraux et les conservateurs proposent aux Canadiens deux avenues radicalement différentes. Et l’une est meilleure que l’autre.

Les libéraux n’ont pas été à la hauteur de l’urgence de la situation ces dernières années, c’est vrai. Ils ont même acheté un pipeline, un symbole fort, qui a entaché leur bilan.

Du point de vue de l’unité canadienne, ça pouvait se comprendre. Du point de vue de l’urgence climatique, c’était une hérésie.

Ils ont cependant redressé la barre récemment et proposent, pour la suite des choses, davantage d’ambition.

Le plan des conservateurs, pour sa part, est une amélioration par rapport à l’ère Harper. Souvenons-nous : le premier ministre conservateur était allé jusqu’à retirer le Canada du protocole de Kyoto. Un geste à la Trump, avant même que le milliardaire américain fasse le saut en politique.

Mais les conservateurs version Erin O’Toole n’avaient pas d’autre option. Jouer à l’autruche comme ils le faisaient il y a dix ans sur cet enjeu aurait été suicidaire politiquement.

Leur problème, c’est qu’ils veulent en faire trop peu et qu’il se fait tard.

Tentons de résumer les deux programmes, si vous le voulez bien, en commençant par les cibles.

Les libéraux proposent une réduction de 40 à 45 % des émissions d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005.

Les conservateurs, pour leur part, visent une baisse de 30 % des émissions. Le hic, c’est que selon les plus récentes projections, les émissions du Canada auront baissé de 36 % 2030 en vertu des mesures implantées ces dernières années.

Les conservateurs proposent donc de reculer plutôt que d’avancer.

Les plans d’action de chacun des partis comportent des différences majeures.

Celui des libéraux repose sur le prix sur la pollution (la taxe carbone).

Il n’est pour l’instant pas assez élevé, on l’a souvent dit. En revanche, il grimpera chaque année. De 40 $ la tonne en 2021, il atteindra 170 $ en 2030. Son efficacité va croître graduellement.

Les libéraux promettent aussi, notamment, de plafonner et de réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier (on introduira des cibles sur cinq ans pour atteindre la carboneutralité en 2050). Quant aux subventions, on souhaite désormais les faire disparaître en 2023.

Les conservateurs sont moins courageux.

Une fois élus, ils édulcoreraient ce qui a été déjà mis en œuvre par les libéraux.

C’est écrit noir sur blanc dans leur programme : « Les Canadiens ne peuvent pas se permettre l’augmentation de la taxe sur le carbone de Justin Trudeau. » Avec les conservateurs, le prix sur le carbone pour les particuliers ne dépasserait jamais 50 $ la tonne.

Ils proposent entre autres la création d’une drôle de patente : un compte d’épargne personnel pour la réduction du carbone. Ainsi, si vous achetez de l’essence pour remplir votre F-150, on vous donnera une prime en argent que vous pourrez utiliser pour des produits « plus écologiques ». Un nouveau vélo ou un chauffe-eau moins énergivore, par exemple.

Les auteurs de ce plan méritent une très bonne note sur le plan de la créativité. Mais une moins bonne note pour ce qui est de nous rassurer quant à son efficacité.

Qu’en est-il du NPD et du Parti vert ? Leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre sont plus élevées. Ils visent, respectivement, 50 % et 60 % de moins en 2030 par rapport à 2005.

Certains experts mettent par contre en doute le réalisme de leurs plans d’action. C’est le cas de Mark Jaccard, professeur à l’École de gestion des ressources et de l’environnement de l’Université Simon-Fraser, qui a publié récemment une analyse où il explique que les cibles ne font pas foi de tout.

Selon lui, le programme du NPD, qui mise notamment sur « des budgets carbone pluriannuels pancanadiens et sectoriels » serait soit irréaliste, soit « dévastateur pour l’économie » (notons toutefois que d’autres experts ont pris la défense de leur plan parce qu’il est plus ambitieux que celui des libéraux, dont Seth Klein, associé au David Suzuki Institute).

Quant au Parti vert, pour atteindre sa cible, il devrait faire grimper le prix sur le carbone à 580 $ la tonne en 2030. Ambitieux ? Assurément. Concevable ? Difficilement.

Le Bloc est pour sa part avare de détails dans son programme quant aux cibles à atteindre (vérifications faites, on nous a dit miser sur une baisse des émissions de 37,5 % par rapport à 1990) ou au prix sur le carbone.

Il promet notamment d’exiger la fin des subventions aux énergies fossiles et « propose de rediriger la part québécoise » vers les énergies propres du Québec, tout en plaidant pour une aide à la transition dans l’ouest du pays.

Notons toutefois que le réalisme ou les détails de chaque mesure importent forcément moins pour des partis qui ne formeront pas le prochain gouvernement.

À voir leurs programmes, on peut toutefois s’imaginer qu’ils tenteront de tirer ce gouvernement dans la bonne direction quant à l’urgence climatique. Tout particulièrement s’il est minoritaire.

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