La santé. S’il y a une question dont on mesure toute l’importance pendant cette pandémie, c’est bien celle-là.

On savait nos réseaux fissurés. À plusieurs égards, la COVID-19 a provoqué leur effondrement. Au Québec, une enquête publique se déroule actuellement sur le drame du CHSLD Herron. L’horreur qui y est décrite – aînés abandonnés pendant des jours dans leurs excréments, affamés et assoiffés – doit représenter un tournant.

La situation demeure désespérément fragile dans de nombreux hôpitaux du pays. Au Québec, la pénurie de main-d’œuvre provoque des ruptures de services. Des patients verront sans doute encore leur intervention chirurgicale reportée.

Tout cela commande une prise de conscience, un changement de cap. Malheureusement, aucun des partis fédéraux n’a d’engagements à la hauteur des problèmes qui se dressent devant nous.

On dira que la santé relève des provinces. C’est vrai. Mais le fédéral a une immense responsabilité dans le fonctionnement des systèmes de santé provinciaux : celle de les financer. Sa part de la facture est passée de 35 % à 22 % en 20 ans. Ce désengagement inacceptable a des conséquences directes sur les malades.

Le Parti libéral a bien envoyé 4,5 milliards supplémentaires aux provinces pour la santé pendant la pandémie. Mais on parle d’une aide ponctuelle, pas d’un remède capable de guérir le patient à long terme. Les libéraux promettent aussi 3,2 milliards pour l’embauche de 7500 médecins et infirmières. Des budgets pour la santé mentale et les soins de longue durée sont également proposés.

Le hic : en orientant les budgets, le fédéral dicte ses propres priorités aux provinces. Et pour les soins de longue durée, l’argent est conditionnel à l’imposition des fameuses « normes nationales ».

Justin Trudeau a expliqué que l’idée est d’étendre les meilleures pratiques à toutes les provinces. Mais cela relève d’une vision très centralisatrice de la fédération. Le fédéral a-t-il l’expertise pour établir ces normes ? Faut-il vraiment rajouter une couche de supervision et de bureaucratie ?

Non.

De son côté, le NPD a de nombreuses promesses en santé qui pourraient faire une réelle différence pour les Canadiens. On pense à l’assurance-médicaments, à l’assurance dentaire, aux soins publics de santé mentale. Un doute subsiste toutefois quant à la capacité de les payer. Et comme les libéraux, Jagmeet Singh entretient une vision centralisatrice en assujettissant les transferts aux provinces à des conditions.

À première vue, la promesse d’Erin O’Toole de transférer 60 milliards aux provinces sans condition apparaît comme la plus conforme aux besoins. Sauf qu’en lisant les petits caractères du fameux « contrat » que veut établir le chef conservateur avec le Québec et les autres provinces, on déchante rapidement.

L’an prochain, la somme supplémentaire inscrite à sa plateforme pour ces transferts est de… zéro dollar. Dans cinq ans, on n’aura versé que 3,6 milliards de plus au total. On est très loin des 60 milliards – et très loin des besoins des provinces. M. O’Toole a raison de dire qu’il faut de la prévisibilité dans le financement. Mais dans son cas, ce qui est prévisible, c’est que l’argent arrivera trop tard.

Il reste le Bloc québécois, qui a promis de faire des transferts en santé SA grande condition pour soutenir un gouvernement. Si la formation d’Yves-François Blanchet détient la balance du pouvoir, elle pourra exercer une nécessaire pression sur les autres partis à ce chapitre.

Un bilan à défendre

Toujours en santé, les libéraux ont aussi un bilan à défendre dans la lutte contre la COVID-19 puisque certaines décisions relèvent du fédéral. Ce bilan est mitigé.

La campagne de vaccination canadienne a conduit à des résultats qui figurent parmi les meilleurs au monde et une part du crédit revient au fédéral. On peut déplorer que le gouvernement Trudeau n’ait pas réussi à installer des usines de vaccins sur le sol canadien à temps, mais force est d’admettre que les vaccins sont rentrés à un bon rythme au pays.

Le Canada ne s’est toutefois pas illustré par sa solidarité internationale en accaparant plus de vaccins par habitant que n’importe quel pays. Il est aussi l’un des seuls pays développés à avoir accepté des vaccins de l’initiative COVAX, qui visait une distribution équitable sur la planète.

Lors de la première vague de la pandémie, malgré la pression qui venait de partout, le gouvernement Trudeau a aussi tardé à fermer ses frontières.

La suite ? Le Parti libéral s’illustre par sa ligne dure envers les non-vaccinés. M. Trudeau veut soutenir l’implantation du passeport vaccinal par les provinces, obliger celui-ci dans les avions et les trains et protéger des poursuites les entreprises qui veulent l’imposer à leurs employés. Si vous êtes pour une approche plus douce, il faut choisir un autre parti.

Les formations qui peuvent prendre le pouvoir lundi offrent des pharmacopées variées pour guérir nos systèmes de santé, autant dans leurs philosophies (approche centralisatrice ou non) que dans leurs moyens. Malheureusement, aucune ne contient le grand remède – des transferts massifs et rapides aux provinces – dont nous avons besoin.

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