Contrairement à plusieurs candidats de son parti, Erin O’Toole se dit pro-choix en matière d’avortement.

Il assure que sous un gouvernement conservateur, les droits primordiaux des Canadiennes seraient toujours respectés.

Or, dans son programme, le Parti conservateur s’engage à protéger le droit de conscience des professionnels de la santé qui refuseraient de pratiquer un avortement (ou l’aide médicale à mourir) pour des raisons morales ou religieuses. Le programme ne précise toutefois pas si ces praticiens seraient dans l’obligation de rediriger leurs patientes vers un autre professionnel de la santé. Or, dans l’éventualité où on ne les oblige pas, on menace l’accès à l’avortement garanti pour toutes les femmes dans la Loi canadienne sur la santé.

Questionné par les journalistes en août dernier, M. O’Toole a finalement précisé sa position : oui, il les obligerait.

Ce n’est pas la seule fois où le candidat conservateur a dû clarifier sa position en matière d’avortement.

En début de semaine, l’aspirant premier ministre a déclaré qu’il ne s’opposerait pas aux provinces qui souhaitent restreindre l’accès à l’avortement, par respect pour les compétences provinciales.

Questionné à ce sujet lors d’une rencontre éditoriale avec La Presse mercredi, M. O’Toole a changé son fusil d’épaule. Il affirme désormais que les droits des femmes et des personnes trans passeront toujours en premier.

Et quand on lui rappelle que certains candidats conservateurs ne tiennent pas le même discours, il répond qu’il a été élu chef de ce parti avec un mandat clair. Fin de la discussion.

Pourquoi parler d’avortement aujourd’hui alors qu’il n’est plus illégal au Canada depuis 1988 ? D’abord parce que l’État du Texas vient de voter une loi qui l’interdit presque totalement, nous rappelant que ce droit n’est malheureusement jamais acquis. Ensuite, parce que les problèmes de recrutement et de pénurie de personnel en milieu hospitalier, accentués par la pandémie, ont restreint l’accès à l’avortement dans certains hôpitaux.

La réalité, c’est qu’en 2021, l’accès à l’avortement n’est toujours pas garanti partout au pays.

On s’attend donc à ce qu’un candidat pro-choix soit plus ferme dans ses convictions, en s’engageant, par exemple, à interdire tout projet de loi qui en restreindrait l’accès.

À l’heure actuelle, les cliniques d’avortement sont concentrées dans les centres urbains. Les personnes enceintes qui habitent en région doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre à la clinique la plus proche. Même au Québec, la province où l’on trouve pourtant le plus grand nombre de cliniques d’avortement au pays.

Enfin, il y a le cas spécifique du Nouveau-Brunswick, dont nous avons déjà parlé dans ces pages.

Là-bas, le gouvernement conservateur met des bâtons dans les roues de celles qui souhaitent interrompre leur grossesse en refusant de financer les cliniques privées. Le cas de la clinique 554, obligée de restreindre ses services faute de financement, a souvent fait la manchette. Seulement trois hôpitaux, concentrés dans deux villes, offrent l’interruption de grossesse. Avec comme conséquences des délais parfois insupportables et l’obligation de se déplacer dans une autre province pour se faire avorter. Avec les coûts en temps et en argent qui viennent avec cette obligation.

Au cours de ses deux derniers mandats, le gouvernement de Justin Trudeau a retenu une portion des transferts en santé à deux reprises pour forcer la main du gouvernement conservateur de Blaine Higgs. En vain.

C’est peut-être devant les tribunaux que cette question va se régler puisque l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) plaidera sous peu que la position du gouvernement du Nouveau-Brunswick viole la Charte des droits et libertés, ainsi que la loi fédérale sur la santé.

C’est beaucoup de temps, d’argent et d’énergie pour défendre un droit prétendument  reconnu. En 2021, on se désole que l’accès à l’avortement soit encore un enjeu électoral. Cela dit, on s’attend d’un candidat pro-choix qu’il défende fermement ce droit en toutes circonstances.

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