Au débat des chefs en français, mercredi dernier, un petit garçon de Saint-Clet, Charles Leduc, 11 ans, s’est courageusement avancé au micro pour demander aux politiciens devant lui ce qu’ils comptaient faire pour diminuer l’utilisation des énergies fossiles au Canada.

Comme bien des Canadiens, Charles a eu très chaud cet été à cause des nombreuses canicules. Il a sans doute vu les images des fruits flétris par la sécheresse dans les arbres de la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique. Ou celles de la petite ville de Lytton, rasée par les incendies de forêt.

Ce contemporain de Greta Thunberg fait partie de la génération qui subira au quotidien, et de manière beaucoup plus concrète que ses parents, les conséquences des changements climatiques. Au point où il remettra peut-être en question son rêve de fonder une famille sur une planète malade.

Est-ce que le jeune Charles aurait dû se sentir rassuré par les réponses des cinq chefs en campagne pour se faire élire le 20 septembre prochain ? C’est loin d’être sûr.

Premièrement, les adultes devant lui ne semblaient pas partager son inquiétude. Ni celle du secrétaire général de l’ONU, António Gutteres, qui, souvenons-nous, a qualifié le dernier rapport du GIEC d’« alerte rouge pour l’humanité ». Mercredi, le discours des chefs était beaucoup moins alarmé quant à l’ampleur de la crise.

Peut-être avaient-ils pris connaissance de certains sondages qui placent l’environnement au 7e rang des préoccupations des Canadiens (6e au Québec). L’électorat serait plus préoccupé par sa situation économique et la COVID-19 que par l’état de la planète, a expliqué le sondeur Jean-Marc Léger qui a cité ces résultats au micro du 98,5 FM, jeudi dernier. Évidemment, il y a des liens à établir entre toutes ces crises qui nous frappent, liens que les chefs n’ont pas abordés lors du débat.

En effet, personne n’a offert au jeune Charles une vision de l’environnement qui engloberait nos modes de vie et de consommation. Il n’a pas été question d’agriculture, de transport ou d’aménagement du territoire. Ou encore, de l’impact évident des changements climatiques sur la biodiversité. Personne n’a évoqué les décisions difficiles et douloureuses qu’il faudra prendre si on veut vraiment négocier un virage vert et sauver la planète.

Bref, devant les inquiétudes justifiées d’un enfant de 11 ans, on a préféré jouer à l’autruche.

La première qui aurait pu – et dû – tenir un tel discours est sans contredit Annamie Paul, la cheffe du Parti vert. L’environnement est la pierre d’assise de sa plateforme politique et la question de Charles était taillée sur mesure pour elle, une chance pour cette politicienne encore inconnue de s’illustrer durant le débat. Occasion ratée.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, était quant à lui rempli d’empathie et de bonnes intentions lorsqu’il a répondu à l’enfant, mais comme son programme, il échoue à expliquer comment et à quel coût il va réaliser ses objectifs. Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, certaines de ses propositions méritent d’être étudiées – interpeller les banques sur leurs investissements dans les énergies fossiles par exemple –, mais il demeure prisonnier de sa déclaration indéfendable à propos d’un troisième lien hypothétiquement « écologique » à Québec. Ce n’est pas sérieux.

Dans les faits, Charles a donc deux propositions à considérer.

Celle du Parti conservateur et de son chef, Erin O’Toole, dont plusieurs candidats ne reconnaissent même pas l’existence des changements climatiques, et dont le programme économique repose encore sur le développement de l’industrie du pétrole. Une telle position, alors que la science est limpide au sujet des conséquences des gaz à effet de serre, est irresponsable.

Quant aux cibles contenues dans le programme de M. O’Toole, si elles sont atteignables, c’est uniquement parce qu’elles sont insuffisantes.

Reste le programme du Parti libéral du Canada.

Parmi les propositions qui pourraient faire une vraie différence, on retrouve celle de plafonner les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier d’ici cinq ans, proposition qu’on retrouve également dans le programme du NPD. L’augmentation de la taxe fédérale sur le carbone jusqu’à 170 $ la tonne en 2030 – dans les provinces qui n’ont pas de plan de réduction des GES, ce qui exclut le Québec qui mise déjà sur la Bourse du carbone – est également intéressante. Le plan des libéraux, même s’il est moins ambitieux que celui du président des États-Unis, Joe Biden, au pouvoir depuis seulement trois mois, demeure donc le plus détaillé et le plus crédible.

Mais Charles peut-il, et devrait-il, leur faire confiance ?

Si le gamin avait eu droit à une sous-question, il aurait pu demander à Justin Trudeau pourquoi son gouvernement n’a pas mis ses bonnes idées en application plus tôt. Après tout, il est au pouvoir depuis six ans… Six années marquées, entre autres, par son soutien au projet d’oléoduc Keystone XL.

Pourquoi cette fois-ci serait-elle différente ?

L’histoire ne dit pas si Charles a bien dormi mercredi soir. Sans doute qu’il aille au lit, ses parents l’ont rassuré en lui disant qu’il y avait encore des choses à faire pour que la planète évite le pire. Mais s’ils ont été honnêtes avec leur fils, ils lui ont sans doute fait comprendre que c’est sa génération qui devra se retrousser les manches. Car si on se fie aux déclarations des cinq chefs durant cette campagne, il est clair qu’encore une fois, la classe politique va laisser le poids des décisions difficiles à la génération suivante.

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